Z'ai bu l'eau
Le petit Zébulon débarqua dans la cuisine en trombe, le rouge aux joues et le souffle court d'avoir joué dehors comme un beau diable avec les petits voisins. Dans ce quartier calme de la ville, l'impasse du lotissement s'était transformée en une cour de récréation digne de la guerre des boutons. L'asphalte était couvert de graffitis dessinés à la craie rose, blanche, jaune et verte. Quelques vélos et trottinettes étaient couchés le long du trottoir, laissés à la hâte par leurs petits propriétaires occupés à d'autres jeux. Une chaussure gisait dans un pot de fleurs, pour une raison indéfinie. Les anoraks roulés en boule par terre faisaient office de frontières à ne pas franchir ou au contraire, délimitaient une cage de gardien de foot. Des chamailleries suivies parfois de pleurs interrompaient la bonne entente et les éclats de rire. Chacun profitait alors de cette pause pour aller se ravitailler en gâteaux et boissons. Malgré le froid qui leur mordait les oreilles et le bout du nez, il faisait chaud à sauter et courir partout. C'est ainsi que le petit Zébulon constamment monté sur ressorts se servit un grand verre accompagné de deux biscuits au chocolat avant de retourner dehors tout en zozotant à cause de deux dents de lait tombées depuis peu :
Z'ai pas pris de Coca, z'ai bu l'eau !