A peine éclos
Après dix jours passés dans la grisaille nantaise, je n'aspirais qu'à retrouver la luminosité de mon Sud. La lumière a un effet notoire sur le moral. Quand elle est fortement présente, on ne voit plus la vie en noir.
Je me souviens....
Le jour des obséques de mon père, j'ai refusé catégoriquement de m'habiller en noir et encore moins de porter la mantille comme l'exigeait ma grand-mère paternelle. Cela a donné lieu à une sévère dispute entre nous deux. Ce n'était pas vraiment l'heure et le lieu de débattre de la tenue de cérémonie.... de folklore, serais-je tentée de dire, dans le cas présent.
"Tu ne vas pas faire des histoires, la gamine !" pestiférait ma grand-mère en me gratifiant de quelques noms d'oiseaux au passage. Sa voix perchée haut dans les aigus m'en vrillait le seul tympan encore valide.
La gamine de treize ans n'a pas fléchi devant l'autorité de l'acariâtre.
C'est vêtue d'un ensemble vert bouteille que je suis allée à l'office religieux. La première fois que je l'avais mis, c'était pour rendre visite à mon père hospitalisé dans un service de cancérologie. Un décor immaculé, aveuglant, impersonnel, stérile.
"T'es belle comme ça, la couleur te va bien" fut le bonjour souriant de mon père sur son lit d'hôpital.
C'est pour cette raison que j'ai remis cet ensemble ce douze janvier 1977. Pour rendre hommage à mon père. Qu'importe si j'ai fait tache... de couleur dans la marée noire, lugubre.
Le noir, je ne le porte que pour me mincir. Pour tromper l'oeil sur ma véritable morphologie. Ca me laisse penser que....Je me demande s'il ne travestit pas aussi les sentiments dans le deuil maintenant que je revisualise les simagrées de quelques pleureuses, enveloppées de noir, tels des étendards de la culture du malheur. Des épouvantails que je fuis, leur préférant les couleurs de la vie.
Il y a quelques jours, j'ai transmis le bleu azur du ciel et le jaune mimosa à une amie au moral en berne. C'est ce dont elle avait besoin, m'a-t-elle dit par la suite.
Alors je me suis dit que d'autres, restant silencieux, en avaient peut être également besoin. Voici donc, pour vous, une brassée de mimosa à peine éclos et secoué par les rafales de mistral.
AaaaaaatCHOUM ! J'y suis allergique, mais que ne ferais-je pour des amis en mal de couleurs gaies et de lumière ?
Ca se passe comme ça, dans mon Sud. Nous sommes déjà à l'heure du printemps..... fleuri !