Les indésirables
J'aime bien les chats. Mais exclusivement chez les autres. Chez moi, ce sont des indésirables. Aussi mignons et calins soient-ils. Qu'ils aillent ronronner et faire leurs griffes ailleurs que dans mon espace vital !
Le jour de notre déménagement, profitant du remue-ménage et de la large ouverture des portes et fenêtres, un matou du quartier est venu s'installer sur le haut d'une armoire. Pour y dormir au soleil. J'ai vainement cherché à le déloger de son promontoire à plusieurs reprises. Il déguerpissait à mes cinglants "dégage de là, toi !", se planquait sous d'autres meubles, derrière les cartons, ou sautait par la fenêtre. Mais il revenait dès que j'avais le dos tourné. Au bout d'un moment, j'ai arrêté de m'exciter pour rien après la bestiole particulièrement têtue. J'avais déjà bien assez de stress pour d'autres raisons.
Je me suis dit qu'au moment de charger l'armoire dans le camion, j'en serais débarrassée. Il finirait bien par dégager.
A un moment, une drôle d'odeur, aigre et puissante, est venue chatouiller mes fins et délicats naseaux.
- Oh pétard ! Le saligaud ! Il a pissé, j'en suis sûre. Ca schlingue le pipi de chat.
Au même moment, je vois mon beau-frère (Mr Gweny) passer devant moi en se sniffant les dessous de bras.
- C'est moi qui pue quand je transpire.
Oups ! Mille excuses au chat. La bévue m'a occasionné un méchant fou rire.
Au fil des heures et dans le tourbillon du déménagement, épique disons-le, j'ai fini par oublier complètement ce chat squatteur.
Ce n'est que bien plus tard et à ma nouvelle adresse, alors que j'étais attablée dans la cuisine devant un bol de soupe, que j'ai entendu miauler.
- Oh le con ! On l'a quand même pas embarqué dans nos cartons par mégarde ?!
Et nous voila, Papouf et moi, en train de miauler dans toutes les pièces de la maison et de guetter un éventuel écho pour localiser le clandestin.
Résultat non concluant. Le silence total s'opposait à nos deux têtes de merlans frits. On a fini par comprendre qu'il s'agissait certainement d'un chat qui rôdait dans le jardin. Surtout le lendemain, quand on a vu la multitude d'empreintes sales et boueuses de pattes félines sur le mur d'enceinte, tout neuf et fraîchement crépi.
Depuis, nous voyons passer régulièrement une chatte noire et un tigré couleur nougat sur le terrain. On leur accorde volontiers le droit de passage, tant qu'ils ne rentrent pas dans la maison.
C'est avec un soulagement certain que nous n'avons pas retrouvé de greffier famélique dans nos cartons. J'ai longtemps eu cette appréhension de le voir apparaître pendant le déballage de nos affaires.
Ce sont d'autres indésirables qui investissent les lieux (disons que c'est plutôt nous qui sommes venus dans leur zone de prédilection) et me font jurer ainsi, surtout le soir venu :
- Les salopes ! Elles n'arrêtent pas de me pomper !
Je vais ressortir mes aérosols et lotions répulsifs que javais achetés pour voyager en zone tropicale. Sinon je ne vais pas tarder à souffrir d'anémie sévère. C'est un moindre mal, à côté de la dengue, du palu et du chikungunya.