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Le cliquetis frénétique des touches du clavier s'est subitement tu. Juste un bruit étrange, inhabituel, indéfini. Un curieux mot s'affiche sur l'écran. Celui d'une langue étrangère. Le silence règne dans le bureau ouvert sur le couloir. Des visages surgissent petit à petit derrière la cloison. Le cadre de la porte s'orne d'une guirlande de têtes penchées, amusées, intriguées. Roulement des yeux, froncement de sourcils, chuchotements. Il flotte soudain dans l'air un voile d'inquiétude. Une silhouette s'avance, s'approche, se penche. Une oreille tendue, attentive, rassurée par le souffle léger et régulier. Petits pas feutrés d'une marche à reculons. Volte-face presque artistique. Un doigt barrant verticalement le dessin d'une bouche figée dans une moue en cul de poule, réduisant les gloussements au silence.
Excès de fatigue annoncé par un concert de baillements, de picotements et d'assèchement des yeux, de raideur des muscles, que l'on combat à grand renfort de vitamine C, de caféine, de saveurs mentholées. S'installe la céphalée qui nous crie de l'intérieur c'est assez ! Massage des temps, étirements, dégourdissement des jambes.
Cette fois, ça n'a pas suffi. Le sommeil a gagné. Etat proche de la narcolepsie. Comme si quelqu'un avait actionné un interrupteur "on/off" Pause nécessaire, roupillon salvateur.
Une demi-heure plus tard, l'énergie est revenue. Le cliquetis des touches a repris sa cadence infernale. Subsiste juste cette drôle d'impression d'avoir perdu tout contrôle, de s'être retrouvé à pioncer sur le lieu de travail... le nez coincé entre les touches du clavier. Avec l'angoisse idiote mais grandissante d'avoir pu ronfler bruyamment.
C'est pourquoi, inquiète et rongée d'avance par la honte, je n'ai pu m'empêcher de poser la question aux collègues. Le plus blagueur de tous, le clown de service qui sait toujours détendre l'atmosphère devenue trop lourde, m'a définitivement guérie de cette obsession de vouloir savoir ce qui n'a que peu d'importance au fond :
- Non mais qu'est-ce que tu pètes en dormant !
Réplique immédiate, teintée du même humour :
- C'est ça, un sommeil réparateur. J'ai évacué tout ce qui me gonflait.
Il n'empêche que j'accuse une grosse fatigue. Tant morale que physique. Je vieillis.... mal !