Les jacinthes de Robin
Quand je suis allée aérer la maison de Robin et que j'ai vu le jasmin, les jonquilles et les jacinthes en fleurs, j'ai pleuré. C'est con mais les émotions ne se dictent pas, elles s'expriment sous plusieurs formes. Ce matin-là, ce sont des larmes qui ont échoué sur le bord de mes cils comme des perles de rosée. Une petite boule faisait le yoyo dans ma trachée étranglée. Le vent m'a apporté le parfum du jasmin. J'ai repensé à mon jardin où les herbes folles côtoyaient de nobles fleurs, où les lézards flemmardaient au soleil, où les papillons batifolaient, où les araignées tissaient d'immenses toiles. Il ne reste de ces quelques arpents de terre jadis fleurie qu'un amoncellement de gravas, sans vie animale. Même le hérisson - s'il n'a pas péri - a déménagé. Les oiseaux sont les seuls à être revenus chercher des vers dans l'éboulis et des graines que je mets à leur disposition.
J'ai remis en place les chaises du salon de jardin que la tempête avait envoyé valser. Je me suis allongée à plat ventre sur le carrelage de la terrasse et j'ai rêvassé le nez au ras de la pelouse. Un clic et j'ai emprisonné une jacinthe dans ma boîte à pixels. C'est à ce moment là que j'ai décidé de tout reconstruire. Coûte que coûte afin de ne plus voir ce terrain vague sans âme, cette tranchée où ce qu'il reste des plantes déracinées git comme des ossements dans une fosse commune.
Pendant quelques semaines, j'ai cherché un autre nid mais aucun de ceux visités ne m'a incitée à m'y installer. Aucun coup de coeur. Alors plutôt que de chercher à investir un autre lieu, je vais reconstruire sur les ruines, redonner vie à ces mètres carrés afin que la cohabitation avec les bestioles reprenne. Pour retrouver le plaisir de faire des photos, chez moi.