Le dernier mot de Jean-Pierre
La même version en images sur le blog de Pénélope Bagieu : http://www.penelope-jolicoeur.com/
Je relaie le coup de gueule de Jean-Pierre, amoureux et défenseur de la Nature :
Je déroge, l'espace d'un message, au thème normalement exclusivement photographique de ce blog pour dire la honte que j'ai d'habiter un pays dont les dirigeants s'opposent (avec leurs accolytes espagnols) à une mesure de bon sens : l'interdiction pure et simple du chalutage profond par l'Union Européenne. Pour que tout le monde comprenne ce non-sens d'écologie politique, il faut faire un petit détour par l'écologie scientifique. Pendant des millions d'années, les espèces qui peuplent le fond des océans (elles sont qualifiées de benthiques) ont évolué dans des conditions très faiblement perturbées. Cette relative stabilité des conditions de vie a favorisé l'évolution d'espèce dont les cycles de vie montrent en général une grande longévité, associée à une faible fécondité et une forte spécialisation écologique. A l'inverse, les environnements régulièrement perturbés abritent des espèces fécondes mais aux durées de vie courtes et souvent généralistes. Dit simplement, dans le premier cas, l'individu investit dans sa propre survie et se reproduit peu mais pendant de très nombreuses années alors que dans le second cas, l'individu investit dans la reproduction au détriment de la survie (plus incertaine dans un environnement perturbé).
Je ne suis pas en train de révéler le scoop scientifique du siècle, ces tendances sont étudiées depuis le milieu la première moitié du 20ème siècle ! Alors quel rapport avec le chalutage ? C'est très simple, le chalutage profond fait subir à un milieu stable une ENORME perturbation à laquelle les espèces qui vivent là ne sont absolument pas adaptées. Pensez que, contrairement à certains poissons côtiers qui atteignent leur maturité sexuelle à 1 an, les poissons des grands fonds comme le Grenadier de roche (Coryphaenoides rupestris) ne commencent à se reproduire qu'à l'âge de 12 ans ! Mais l'absurdité de nos pratiques ne s'arrête pas là : pour quelques espèces dont l'exploitation commerciale est à peine rentable (à grands coups de subventions, c'est à dire VOTRE porte-monnaie (et le mien) !!!), tout le reste est rejeté par dessus bord (mort bien sûr car vous imaginez bien que le choc de décompression est un peu violent quand on remonte depuis 2000 mètres de fond d'un coup). Les engins de pêche ne sont en effet pas des outils d'orfèvre, et râclent les fonds océaniques et tout ce qui s'y trouve sur des kilomètres carrés.
Je vous invite donc à réflechir un peu avant d'acheter un filet de Grenadier, de Sabre ou de Lingue bleue (3 principales espèces pêchées et exploitées par chalutage profond) : avant de succomber au charme de la promotion qui vous sera proposée, sachez que le véritable prix de ce poisson est la somme :
- Du prix que vous allez directement payer au moment de l'achat
- De la part de vos impôts qui vont soutenir ces pratiques stupides (à l'heure où l'on traque le moindre euro mal dépensé...)
- Du préjudice causé aux écosystèmes marins dont les richesses fourniraient à l'homme des services beaucoup plus importants et durables s'ils étaient exploités intelligemment (c'est à dire au moins en écoutant l'avis des scientifiques qui passent leurs vie à étudier leur fonctionnement).
Vous êtes en moyenne quelques dizaines par jour à lire ce blog, je vous invite donc à diffuser cette information, à signer des pétitions de façon à ce que ce sujet revienne sur la table des parlementaires européens le plus vite possible et que l'on puisse dire autre chose du coq qu'il est le seul animal à pouvoir chanter...les deux pieds dans la merde ! Jean-Pierre Moussus
Articles de presse : Le Monde Le Figaro Libération
Pétition à signer