La boîte à savon de Maman
C'est ainsi qu'on appelait l'appareil photo de ma mère. Elle ne s'en séparait jamais quand elle était jeune. Je ne sais pas qui de ma mère ou mon père avait contaminé l'autre au virus de la photo car tous les deux grillaient de la pelloche. Ma grand-mère paternelle aussi, elle a même tenu un magasin photo dans les années 1970. Son deuxième fils, passionné également, m'a appris à me servir d'une cellule pour mesurer la lumière quand j'avais dix ans. La photo, je suis tombée dedans quand j'étais petite. Devant l'objectif car j'étais photogénique, puis derrière quand j'en ai eu marre de poser.
J'ai conservé la fameuse "boîte à savon", l'Agfa Synchro Box (produit en Allemagne de 1949 à 1958) avec son étui qui est resté intact. L'appareil photo de mon père, un Baby SEM qui a permis de témoigner en images d'évènements, a été vendu avec son étui de cuir fauve il y a deux ans. C'est le seul que je n'ai pas gardé. Sans regret car il m'évoquait trop la guerre d'Algérie pendant laquelle mon père a été grièvement blessé, des photos de combats, d'armes, de militaires. Des diapositives par centaines, des clichés qui n'ont pas la douceur et l'insouciance de souvenirs de vacances.
D'autres appareils sont alignés et protégés dans une vitrine. Quelques-uns sommeillent encore dans des cartons. Dire que je les collectionne comme Gilsoub (les appareils, pas les bêtises) serait exagéré. Je les conserve simplement parce qu'ils font partie de mon histoire familiale.... du gène de la photographie qui m'a été transmis.
J'ai profité de la rédaction de ce billet pour ressortir des boîtes de gâteaux en fer où sont stockées et conservées les vieilles photos à l'abri de la lumière et de l'humidité. Des clichés en noir et blanc, au cadre blanc et bords dentelés qui satisferont un peu la curiosité de quelques-uns. Il pourra être constaté que, contre toute attente, j'ai vécu en compagnie de chats et que je jouais avec. Qu'enfant et élevée chez mes grand-parents maternels à la campagne, j'étais également très souvent en seule compagnie de personnes âgées. Rarement au contact d'autres mômes. (il ne faut donc pas trop s'étonner que.... !) Comme quoi, vivre dans un château et manger avec des cuillères en argent ne font pas forcément le bonheur d'un enfant.
Avec mes deux arrière-grands-mères, Marie (qui finira unijambiste) et Eugénie qui ont adopté mes grands-parents (3 sur les 4 sont issus de l'Assistance Publique)
Sous les orangers et camélias de mon grand-père, dans les bras de Marie, femme au destin tragique. Elle est restée vieille fille après le décès de son fiancé décédé dans un accident de moto, quelques jours avant leur mariage. L'unique fois où elle s'est rendu au cirque elle a vu le dompteur se faire dévorer par les lions sous ses yeux. Elle en était restée profondément choquée. Quand elle a pris sa retraite de femme de chambre et a quitté le château, elle est venue habiter chez ma mère en ville pour devenir la nounou de mon frère....qui lui en a fait voir de toutes les couleurs.
Sur une des photos (en bas à droite), on aperçoit mon père en veston cravate, une clope à la main.
Je referme la boîte aux souvenirs, je range la "boîte à savon"....avec le linge sale de la famille dans la corbeille.