Oh la main !

Une fois les effets de l'anesthésie dissipés, ma première inquétude fut celle de ne ressentir aucune douleur après l'intervention. D'autant plus que dans la salle de réveil de cette clinique spécialisée dans la chirurgie de la main, les autres patients réclamaient des antalgiques aux infirmiers. Seul inconfort, ce bras anesthésié et devenu gourd qui semblait peser une tonne. J'avais à la fois la sensation qu'il ne m'appartenait plus et qu'il était écrabouillé sous un éboulis. Le fait d'avoir ressenti, sans aucune douleur, le chirurgien m'ouvrir la main, couper, recoudre tout en faisant la causette avec ses assistants au sujet d'anévrismes, ne m'a absolument pas perturbée. Par contre, ce bras qui pendouillait lourdement m'a profondément dérangée. De même que les doigts rouges et très chauds en raison de l'afflux du sang après la dépose du garrot. C'est l'unique opération pour laquelle on ne m'a pas fait arrêter la prise d'aspirine et prendre le relais avec des piqures d'héparine pendant sept jours. J'avoue que la trouille d'une hémorragie m'a tenaillée jusqu'à ce que me soit confirmé la sécurité de ce nouveau protocole par plusieurs anesthésistes. Le matin même de l'opération, la question a néanmoins été soulevée de nouveau. Sans doute pour exorciser le stress bien légitime à tout futur opéré aux portes du bloc, j'ai opté pour l'humour dans mes échanges avec les personnel soignant.

- Il y a mon mari en salle d'attente. Il est donneur universel. Mais je vous préviens, il n'aime pas donner parce qu'il a la pétoche des aiguilles.

- Ne vous inquiétez pas. On va mettre un garrot pendant toute l'intervention.

- A propos de garrot....Je n'arrive pas à enlever mon alliance !

- Ce n'est pas grave puisqu'on vous opère la main droite. Par contre, quand on vous fera la gauche....

- Eh bien, on coupera la bague et je m'en ferai offrir une nouvelle ! Avec des diamants.

- Vous êtes futée !

Je me suis abstenue de lui répondre que c'est pour cette raison qu'on me surnomme "la fine mouche". Parce qu'une mouche dans un bloc opératoire....c'est un coup à se faire estourbir pour de bon, question d'asepsie !

Au bout d'une quizaine de minutes qui me semblent interminables derrière le champ opératoire bleu qui me sépare du chirurgien et de son équipe, j'apprends que le nerf a été libéré. Qu'il était temps qu'il le soit mais qu'il faudrait attendre pour mesurer les résultats attendus. Il m'est répété que les fibres du nerf peuvent avoir été irrémédiablement détériorées.

Il s'ensuit une conversation détendue entre le chirurgien et moi.

- Je n'ai donc pas encore l'autorisation de porter des sacs de shopping ni de valise pour partir en voyage ?

- Ah la valise ! En voila une bonne idée !

- Et la piscine, je peux y retourner quand ?

- Pas avant trois semaines, quand les fils seront retirés !

- Mais si je mets ma main dans un gant Mappa scotché bien hermétiquement ?

-......!!!!

- Je déconne.

- A propos de piscine ! J'ai rencontré Alain Bernard à la piscine d'Antigone. Il était dans le couloir voisin du mien. En deux trois battements de pied... mais sans équipement spécial, hein ?!....pfffffffout, il était déjà au milieu du bassin !

- On parle du dopage dans le cyclisme. Mais dans le rugby et la natation, motus ! Alors que lorsqu'on voit la musculature...!

- C'est vrai que c'est une sacrée armoire à glace ! Impressionnant.

- Quand j'étais jeune et que je pratiquais l'athlétisme, j'étais dopée à l'éther.

Une infirmière est interloquée par ce que je viens de dévoiler. Le chirurgien confirme cette pratique.

- Dans l'haltérophilie, on utilise l'éther.

Je n'ai pas le temps d'objecter que ma morphologie a changé au cours des années et que je n'avais pas la silhouette d'un haltérophile mais celle d'une coureuse de fond. (Bon d'accord, c'est au lancer de poids que j'ai gagné mes médailles ! ) On me "roule" en salle de réveil commune à la clinique et à l'IMM où je me retrouve à côté d'une femme qui se fait tancer par une infirmière pour avoir gardé ses sous-vêtements au bloc opératoire.

- Pour des raisons d'hygiène, c'est interdit.  

- Je ne savais pas.

- Mais vous n'avez pas lu le document qu'on vous fait signer et qui explique ce qui est permis ou non ??!!

- On m'a pas donné de papier comme ça.

- On le fait signer à tous ceux qui vont être opérés et on redonne les consignes lors de votre arrivée.

- Je suis arrivée en urgence.

-......

J'apprends peu après que la femme a été admise  pour une gastro sévère et une coloscopie en urgence. Sur mon brancard, je lui tourne aussitôt le dos. J'ai pas envie d'être contaminée avec ses postillons.

Au bout d'un quart d'heure, je quitte cette salle, soulagée de ne pas m'y éterniser. Je me retrouve assise dans une autre salle avec des personnes opérées des mains. En face de moi, une femme demande à cor et à cri des antalgiques. Ca m'intrigue de voir les gens souffrir car je ne ressens rien du tout. Si je n'avais pas cette énorme bandage et ces traces d'éosine sur le bout des doigts, le bras en écharpe, je jurerais ne pas avoir été opérée.

Quand je sors au bout d'une heure d'observation, on me remet une ordonnance sur laquelle sont prescrits trois tubes de paracétamol. Les anti-inflammatoires ont été rayés. Je n'aurai besoin ni des uns ni des autres. De retour chez moi, je me contenterai de prendre des granules homéopathiques d'Arnica Montana pour résorber l'hématome. J'ai juste quelques étourdissements par moments. Je bois beaucoup d'eau pour éliminer les restes de l'anesthésie. Je remue les doigts normalement. Seul le pouce n'obéit pas toujours et l'annulaire demeure insensible. Le temps me parait soudain très long. Je peste, je ronchonne car je ne peux rien faire de ma main droite. Non pas en raison d'une quelconque douleur, mais à cause de cette bande Velpeau qui m'enrubanne la main.

Je croise un voisin qui s'inquiète de me voir avec une telle "poupée" au bout du bras.

- Qu'est-ce qui t'est arrivé ?

- En nageant l'autre jour à la plage, j'ai simulé un aileron à la surface de l'eau avec ma main. Il y a un requin à qui ça n'a pas plu. Il m'a bouffé la main pour me faire comprendre de ne pas se foutre de sa gueule.

-.....

- Faut pas croire tout ce que je dis !

- T'es con !

Le téléphone a beaucoup sonné, mon portable a reçu beaucoup de sms, mon pc plein de mails, mon blog de gentils messages, la maison a acceuilli des visiteurs en quête de nouvelles.

Mon mari s'est transformé en chef cuisinier (hier soir, il a rusé, il m'a emmenée au restaurant déguster du thon grillé) et en fée du logis. Il me shampooine la tête, me rappelle à l'ordre quand je ne respecte pas les consignes. Il commet quelques erreurs comme de ranger mes jeans avec les siens. Ce matin, il a compris pourquoi le jean's qu'il cherchait à enfiler est resté coincé au niveau des genoux. Ce fut le premier fou rire de la journée.

J'ai commencé ma rééducation. Une infirmière passe refaire mon pansement.

Je m'ennuie ferme. Heureusement, il y a la photo !  

Maintenant, affirmer que tout est rentré dans l'ordre et que tout est ok....pour cela, il faudra patienter.  

Comments

[mia]

Comme tu écris plus vite que ton ombre malgré ta seule main, je ne vais pas avoir la possibilité de rattraper mon retard et de tout commenter mais quand même te dire que je suis heureuse de ces nouvelles même s'il faut encore attendre le 3 septembre pour pleinement se réjouir. (en même temps, ces réactions me semblent logiques, le signe que des connexions se recréent peut-être)

Pleins de baisers

[ksenia]

Merci pour vos messages de soutien.

Infos réactualisées : La cicatrice me gratte, j'ai de violentes décharges électriques dans l'index (non, je ne l'ai pas mis dans une prise de courant) et des fourmillements dans l'avant-bras. Tout se réveille mais je ne sais pas si c'est bon signe.

[Grainedeblenoir]

Bon rétablissement, et profite bien de ce moment pour te faire chouchouter.

[MondedeMathilde]

Nous allons donc patienter avec toi. Même si c'est plus facile pour nous :-)

[elisabeth]

Ca ne marche pas du 1er coup, excuse-moi pour le doublon mais il y a un problème depuis quelque temps sur les plates formes des blogs.