L'art de plier
...bagage ?
Pour m'envoler vers de lointaines destinations, j'avoue y avoir pris goût. Il y a même des fois, je ferais bien une valise, comme ça, juste pour le plaisir. Pour chasser le bourdon en attendant les prochaines vacances. Les jours où j'ai envie de hisser les voiles, lever l'ancre, larguer les amarres... sauf que je ne sais pas naviguer en solitaire ! Alors le paquetage repart dans l'armoire ou traîne aussi longtemps que s'éternise le moment de déprime. Ce n'est que lorsque j'attache un porte-adresse d'une compagnie aérienne ou d'un voyagiste à la poignée, que ça devient délicieusement bon. Comme l'entrée d'un menu qui s'annonce gastronomique.
... les draps ?
J'ai été élevée au sein d'une communauté matriarcale et monomaniaque du "bien rangé". Il a du y avoir un bug lors de mon formatage - sans doute un problème de "conflits de deux antivirus" distincts - parce que je suis devenue un modèle de.... brouillon ! Les draps bien pliés ? Non, enfant je jouais au fantôme avec. Devenue grande mais pas nécessairement raisonnable, j'ai préféré m'amuser à les froisser dans un lit plutôt que de les mettre au carré.
... les chemises ?
Même combat ! Mon nez délicat a gardé l'odeur désagréable de l'amidon qui servait à empeser les cols et rigidifier les poignets de chemises de mes grands-pères. Je bénis celui qui a inventé depuis la microfibre qui ne nécessite aucun repassage. Les chemises séchent désormais sur un cintre et y restent. C'est une des choses pratiques que j'ai apprises lorsque j'étais fille au pair en Angleterre. Lavage-séchage-rangement sans passer par la table de repassage. Economie d'énergie.... électrique à tout point de vue !
... comme un roseau ?
Hélas, je suis une forte tête et très peu flexible. Pour aggraver mon cas, je la ramène en plus. Les uns parlent de fort, d'autres de mauvais caractère. En fait, tout dépend de quel côté ils se retrouvent, quoi ! Là encore, j'ai pourtant été conditionnée pour être docile et sage. Lorsque je me suis retrouvée libérée du joug de mon père extrêmement autoritaire et sévère, j'ai fait une croix sur toute autre forme de soumission. Je n'ai plus courbé l'échine, plus tendu l'autre joue pour me ramasser une gifle. La mule n'a cessé depuis de ruer quand on a voulu la faire aller où elle ne le souhaitait pas. HI HAN soit-il !
... les gaules ?
Mon père m'avait tout bien appris là aussi pour ne pas emmêler le fil de pêche. Il me stressait tellement avec ses consignes qu'à chaque fois je me piquais les doigts avec l'hameçon. Mais le pire c'est lorsque, que dans mon empressement au moment de relever la canne de l'eau, j'accrochais la ligne dans les arbres qui longeaient la rivière. On avait beau secouer doucement de droite à gauche, de bas en haut, il arrivait toujours un moment où il fallait couper le fil de nylon. Et mon père de râler contre la perte d'un énième bouchon flotteur ! Ce qui me navre aujourd'hui, c'est que j'ai laissé plein de plombs dans la nature ! Pfff
... une tente ?
J'ai une sainte horreur du camping. Là aussi, il faut aller chercher dans mon enfance l'origine de cette aversion. J'y associe surtout une image qui m'a choquée. Des gendarmes bretons venant nous apprendre le décès de mon arrière-grand-mère, un beau soir d'été (si c'est possible en Bretagne ! Mécréants sudistes !) alors que ma mère et moi nous faisions la vaisselle aux bacs communs en chantant et rigolant. Ca a sonné la fin des vacances. Nous étions arrivés la veille. Deuxième souvenir traumatique, c'est lorsque mon jeune frère avec lequel je partageais une couchette de la caravane, m'a uriné sur le visage au cours d'un épisode de somnambulisme. Ma mère alertée par mes cris, me répétait de me taire, qu'il ne fallait pas prendre le risque de le réveiller. Troisième mauvais souvenir, c'est quand il a fallu aller fouiller les poubelles d'un camping parce que ma grand-mère avait jeté mes appareils dentaires que j'avais déposés dans un gobelet le temps du dîner. Alors non décidément, je n'aime pas le camping. Je n'aime pas la promiscuité, l'apéro quasi obligatoire entre voisins, les odeurs de barbecue mêlées à celle de l'ambre solaire, les pleurs des mômes, les cris des parents qui s'engueulent, les jours de pluie où on se retrouve coincé sous l'auvent à jouer aux cartes, le linge qui pue l'humidité, monter et démonter parce qu'il y a toujours un truc qui cloche et qui fait râler : une sardine tordue, un maillet qui se déboîte, un branchement électrique défectueux, du beurre resté dans la glacière, etc. Parce que je tiens à mon confort, voila tout !
... les genoux ?
Vous pouvez toujours courir pour me voir agenouillée à un prie-dieu. Et d'une, je ne suis pas une grenouille de bénitier et de deux, j'ai les ménisques fragiles. Déjà que rien qu'en faisant du vélo, on me demande pourquoi mon pédalier fait autant de bruit. Sauf que le pédalier n'y est pour rien, ce sont mes rotules trop hautes qui font clac-clac. Bref, j'ai le corps aussi souple que mon fichu caractère. Le tout est bien assorti.
... de la tôle ?
Ca ne m'est arrivé qu'une fois et je n'en suis pas fière. Il neigeait. Ma voiture était neuve d'une semaine. En sortant de ma place de parking en épi, j'ai reculé à deux à l'heure dans une voiture-cube italienne qui a plié comme un vulgaire morceau d'alu. Au volant de celle-ci, conduisait la femme de mon assureur. Citroën France 1- Fiat Italie 0 ! Inversement pour les dégâts.
... du papier !
D'aucuns diront qu'en tant que fonctionnaire, je dois être douée en fabrication de cocottes. Ce à quoi je rétorque qu'on devrait même instaurer une épreuve d'origami aux concours, tiens ! Car ça aurait au moins le mérite de tester la patience et l'humilité de certains. Deuxio, dans le privé aussi, ils gâchent du papier (et du temps) en collant des post-it-pacman aux fenêtres. Mais là, on parle presque d'art urbain !
Eh bien soit ! Mais qu'on me laisse alors apprécier mes grues (ou girafes ? Un canard m'a mis le doute) du Japon qui pendouillent sur leurs fils de couleur.