Jambo !
(Bonjour en swahili)
Je suis comme en état d'apesanteur. Je flotte, je laisse mes pensées vagabonder vers ces terres africaines que j'ai foulées et où je garderai à jamais des souvenirs d'instants merveilleux, de joie indiscible. Cet après-midi, entre deux tournées de lessive, je me suis empressée de télécharger mes photos. J'avais besoin de les visualiser sans tarder pour me replonger dans l'ambiance particulière de ce voyage. J'avais également besoin d'être rassurée sur leur qualité. Je craignais tant de les avoir ratées. Je voulais tant faire partager en images ce que j'ai eu le bonheur et la chance d'observer parfois de très près. Bien sûr il y a quelques déceptions. Mais aujourd'hui, en regardant ces clichés souvent pris à la volée, j'ai éprouvé les mêmes sensations qu'au moment de l'instantané. J'ai eu des frissons d'émotion et j'ai pleuré.
Ces photos seront là, comme autant de témoignages de cette vie africaine que j'ai observée, émerveillée et en lâchant très souvent des oh ! et des ah ! , pour cimenter ces souvenirs que je ne pourrai pas oublier.
Je n'oublierai jamais les regards que j'ai croisés, le sourire des enfants, les silhouettes de ces hommes et femmes qui parcourent des kilomètres pour aller chercher de l'eau sous un soleil de plomb. Pas plus que je n'oublierai ce guépard que nous avons pisté longtemps et que nous avons eu la chance inouie d'approcher, cet éléphanteau épuisé que sa mère cherche à relever pour lui éviter la mort certaine, cette lionne qui chasse un zèbre pour nourrir ses quatre lionceaux, ce léopard aux aguets - animal en voie de disparition - perché dans un arbre, le cadavre d'une girafe qui a vraisemblablement chuté au bord de la rivière Mara, cette sortie nocturne et imprudente au bord du lac pour voir les hippopotames... et tant d'autres moments moments heureux et émouvants.
On ne sort pas intact d'une telle aventure. On est en proie à des sentiments mêlés devant les paysages grandioses, la vie sauvage et les conditions de vie du peuple kényan. Les lodges luxueux dans lesquels j'ai séjourné (non sans déplaisir après des centaines de kilomètres parcourus sur des pistes défoncées) qui de par leur côté idyllique, tranchent avec la misère locale. J'ai été gênée par la pratique du bakchich à outrance, le marchandage, la pression mercantile, les comportements hostiles aussi parfois. Je savais tout ça avant de partir, mais j'étais loin d'imaginer ce que c'était de le vivre vraiment.
Comme le dit Emma, je vais avoir besoin d'atterrir, de digérer l'expérience. J'ai tant à raconter et puis, paradoxalement tant de choses que je ne saurai pas exprimer, faire ressentir comme je les ai vécues.
Je vais reprendre tout doucement le cours de ma vie. Celui du modernisme, du confort douillet. Aujourd'hui, j'en connais la réelle valeur. Je sais qu'ailleurs, il faut survivre, qu'il n'y a même pas l'eau potable. Que les plus faibles sont voués à une mort certaine.
J'avais dans l'idée de procéder de façon chronologique, de rédiger une sorte de carnet de voyage. Mais ce soir, à l'heure où je vous laisse ces mots, j'avais simplement envie de laisser place à mes sentiments du jour.
Enfant d'un village Masaï - Amboseli - Kenya