Chacun pour soi
En observant tous les patients dans la salle d'attente de l'hôpital, j'ai repensé : "C'est chacun pour soi". Nous étions tous là, côte à côte, sur la ligne de départ du diagnostic. Parmi nous, il y aurait des tumeurs, des cancers peut-être, et il y aurait des rescapés. S'il y avait un quota de valides à choisir, alors nous serions comme des chiens à nous battre pour être en bonne santé. L'injustice du hasard annulait la lutte. Ici, "chacun pour soi" voulait dire : chacun est seul face à son destin. J'avais tellement peur de perdre ma vie d'avant. Tout ce qui m'avait paru si normal (les jours sans maladie) m'apparaissaient maintenant dans un nouvel éclat. Je voulais bénir les heures où je n'avais pas su mon bonheur fou. Souffrant du dos, tétanisé par la peur, je me faisais la promesse de savourer à jamais la vie valide, si je sortais vivant de cette affaire. David Foenkinos - Je vais mieux
La vie ne s'apparente pas toujours à une mer calme sur laquelle on peut naviguer avec insouciance. On est amenés à essuyer des tempêtes et pluies de chagrin. Lorsqu'on se retrouve échoué sur le sable il est judicieux de se poser la question sur la manière de mener sa barque afin d'éviter d'autres écueils ultérieurement. Encore faudra-t-il avant cela réparer ce qui peut encore l'être. Les dégâts pouvant être irrémédiables. Quand les dommages sont minimes, on a la fâcheuse tendance à vite oublier le coup de semonce. Trop contents que nous sommes d'avoir échapper au pire, nous reléguons les bonnes résolutions aux oubliettes. Combien sont ceux qui réalisent avoir bénéficié d'un bonus à ne pas gaspiller ? Combien changeront leurs habitudes, bousculeront la routine ? Qui saura trouver les techniques cognitives pour survivre au tsunami émotionnel en cas de nouvel échecouement ? Qui pensera sa vie autrement et prendra les bonnes décisions afin d'éviter le naufrage ? Tous les recapés, conscients de leur chance, ont la réponse à ces questions enfouie en eux.
Chaque homme est seul et tous se fichent de tous, et nos douleurs sont une île déserte. Albert Cohen - Le livre de ma mère