Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La vie, des objectifs
15 octobre 2013

Petit singe affranchi

L'image m'a fait sourire et puis je me suis rappelée la pression familiale (corps enseignant) que j'ai subie. Exigence et obligation de réussite que je me suis imposées toute seule par la suite.

http://www.midilibre.fr/2013/10/13/le-burn-out-des-enfants-pousses-a-reussir-a-tout-prix,769490.php

einstein255

Non contente de m'avoir déjà fait sauter des classes à l'école primaire, sans se soucier de savoir si j'avais les capacités pour suivre une scolarité réservée aux enfants précoces, ma famille a toujours choisi les matières à m'enseigner et les activités à me faire suivre. Sans consulter mon avis qui importait peu. Celui de Dolto, encore moins.  Apprentissage de l'écriture et de la lecture à trois ans, assorti de cours de dessin et de peinture. Tricot, crochet et broderie à cinq ans. Piano à six. Basket et athlétisme en "pré-poussine", pratiqués ensuite en compétition avec des entraînements quotidiens intensifs. Longs séjours linguistiques en Allemagne dès dix ans. Cours de latin et de grec obligatoires. Internat. Eloignement, manque affectif. Voila un aperçu des réjouissances.

Enfant, j'avais pris l'habitude de demeurer silencieuse. Je ne me manifestais que très rarement par la parole. Quand il m'arrivait de la prendre pour exprimer mon avis, on me la coupait systématiquement sur un ton de reproche. Quoi que je puisse dire, j'avais toujours tort. J'avais fini par me taire et m'enfermer dans un mutisme le plus total pour ne plus avoir à subir les remontrances qu'on m'adressait sans cesse. Cette attitude avait d'ailleurs alerté tous les enseignants dès le début de ma scolarité. Il était habituel de voir ce genre d'appréciations sur mon livret scolaire : "Elève très appliquée mais extrêmement réservée" , "Ecrit très satisfaisant mais oral bien terne", "Les résultats pourraient être excellents si elle osait parler", "Est-elle timide, voire muette ?". Le principal de mon collège, à l'issue d'un conseil de classe de sixième, avait même apposé à l'encre rouge et en gros caractères, cette annotation qui fit bondir mes parents, ulcérés d'être jugés comme des tyrans : "Elle arriverait peut être à s'exprimer si elle n'était pas terrorisée" Mon père avait immédiatement pris sa voiture pour aller casser la gueule du proviseur (collègue et copain jusqu'alors).

Les voisins s'interrogeaient sur les raisons de mon attitude d'enfant farouche. "Chaque fois qu'on lui dit bonjour à la petite, elle ne répond pas. Elle hoche la tête et baisse les yeux" commentaient-ils entre eux. Mes camarades de classe me traitaient de pimbêche car je ne participais jamais au chahut de certains cours, je ne partageais pas leurs discussions et leurs jeux à la récréation. Je m'isolais dans un coin, adossée contre un mur du préau, mon goûter dans une main, un livre ouvert dans l'autre. Tout le monde était interpellé par mon comportement, sauf mes parents et la branche paternelle car ils y voyaient la marque de l'obéissance absolue, l'image d'une enfant studieuse, plus mûre que les mômes de son âge. Mon silence était autrement plus éloquent pourtant que toutes les paroles que j'aurais pu leur adresser s'ils m'en avaient laissé la liberté. C'était, au contraire de ce qu'ils pensaient, l'expression de ma révolte et de mon insoumission. C'était autant de cris de désespoir, d'appels au secours qui restaient bloqués au fond de ma gorge. Des pleurs, étouffés, sur une enfance volée. J'adhérais à leur point de vue, je suivais tous les repères qu'ils m'imposaient. En mon for intérieur, je rejetais tout en bloc. Mes parents reportaient sur moi tous leurs espoirs déçus. Ils voulaient, ni plus ni moins, me voir emprunter la voie menant à la réussite sociale telle qu'ils la concevaient et qu'il auraient souhaité eux-mêmes atteindre. Durant cette enfance austère, privée souvent de jeux, de temps libre et d'ennui malgré tout nécessaire pour l'équilibre, je me suis forgée une force de caractère en m'enfermant sous la carapace protectrice du silence. L'un des inconvénients majeurs de ce système de défense est de refouler toute manifestion d'émotions. Cela engendre des frustrations. De tous les non-dits ont émané immanquablement des désordres importants dans ma vie d'adulte. Elle a commencé le jour du décès de mon père, quelques jours après mon treizième anniversaire. A compter de là, je suis sortie de ma réserve, j'ai refusé de rentrer dans un moule. Je me suis affranchie. Aujourd'hui, je suis encore rebelle avec tous les éclats et les heurts que cela comporte. Ca ne dédouane pas mes erreurs. Ca n'absout pas les fautes que je commets et que je sais depuis peu reconnaitre. Pour ça, il m'en aura fallu du temps passé sur un divan ....et face à moi-même !  

Publicité
Publicité
Commentaires
G
Évidemment, c'est lourd ! A la lecture de votre texte je me demandais quelle enfance vos parents avaient eue...
Répondre
A
Terrible qu'on dise de toi que tu étais pluss mûre que les autres de ton âge alors qu'on t'avait fait "griller les étapes" de ton développement. (Cristophe)<br /> <br /> <br /> <br /> Tu as bien poser les bagages qui t'encombraient... (Audrey)
Répondre
P
Une note très émouvante. Joli d'avoir pu exprimer tout cela. Et d'avancer...
Répondre
N
Croyant bien faire souvent, les parents tyrannisent leurs enfants pour la réussite à tout prix. Il a carrément fallu que tu attendes le décès de ton père pour oser essayer de respirer par toi même !
Répondre
G
Collé en pension rapidement, je me suis réfugié dans l'indiscipline. Je n'ai guère de bons souvenirs de cette période et j'ai jeté les autres....Bon on ne s'en est pas trop mal sorti.<br /> <br /> bizzzz
Répondre
Visiteurs
Depuis la création 413 624
Publicité
La vie, des objectifs
Publicité