120 minutes de r'tard, émoi émoi émoi...!
Un retard inexpliqué qui se prolonge et mon regard est comme hynoptisé par la trotteuse de la pendule. Mon ouïe défaillante me joue des tours. Soudain elle semble percevoir le bruit lointain d'un moteur vrombissant que d'ordinaire elle capte mal. Ces acouphènes sont comme des chants de sirènes prometteurs et trompeurs. Mon regard fouille dans la nuit à la recherche de deux énormes yeux d'insecte jaunes et lumineux. Je tente de divertir mon esprit subitement préoccupé. Mais les images et le son qui émanent de la télévision ne semblent pas avoir le moindre impact sur ma rétine, ni mon oreille. Ils ne sont que bruit de fond et brouillard visuel. Impossible de consacrer une once d'attention sur la lecture d'un livre, d'un journal, d'un magazine, d'un blog.
Il est encore moins facile de ne pas repenser à l'annonce d'un tragique accident de la route, quelques heures plus tôt. De ne pas revoir l'hélicoptère décoller et revenir se poser un peu plus tard aux abords des urgences de l'hôpital où je travaille. De ne pas se souvenir de la sirène lancinante des véhicules de secours qui affluent.
Je réchauffe le plat que j'ai cuisiné. Une petite voix intérieure me serine "ça va le faire venir". Davantage pour vaincre ma peur que réellement me convaincre d'une arrivée imminente. Le fumet qui s'échappe bientôt de la casserole sur le feu ne parvient pas à charmer mon odorat d'ordinaire délicat. Je suis atteinte d'une anosmie qui ne disparaitra que lorsqu'elle percevra des odeurs familières, rassurantes. Celle d'un pot d'échappement ne me paraitra bizarrement pas irritante pour une fois. Puis chatouillera ensuite mes narines frémissantes comme les naseaux d'un animal en rut, la puissance des phéromones exhalées d'une peau contre laquelle je viendrai me blottir. Tous mes sens détraqués par l'angoisse de l'attente fébrile retrouveront leurs pleines fonctions. Le toucher, privé du contact rassérénant d'un corps aimant, sera d'un seul coup exacerbé par les retrouvailles et le feu d'un baiser ardent.
On tremble toujours pour ceux qu'on aime. Pour un frère militaire, un mari motard. Un père marin, un gendre pilote, un fils voyou. Pour une femme policier, une mère joggeuse, une fille noctambule. Le caractère inhabituel d'un retard, d'un silence, d'une absence fait que le pire scénario envisagé tourne immanquablement autour d'un possible drame. On a beau tenter de se raisonner, la trouille s'installe, mine au fil des heures qui s'égrènent. On se fait un sang d'encre, aussi noir et épais que la nuit qui nous entoure d'un manteau d'effroi.
Puis arrive la délivrance, le moment où la peur panique s'envole aussi vite qu'elle s'est installée. On se trouve ridicule d'avoir psychoté.
On est tellement soulagé qu'on ne pense même pas à faire le moindre reproche. Même pas un....
Tu sais, à l'ère des téléphones portables, la quiétude de l'esprit, c'est simple comme un coup de fil !