Maniaco-bordélique
En regardant ces deux clichés sur un thème très courant.... "bateau" en photographie, j'ai pensé à cette dualité entre la personne maniaque et l'autre bordélique que je suis.
Dans le travail, je suis quelqu'un de très méthodique, pointilleux, ordonné, consciencieux, bosseur. Chiante sans doute pour les collègues mais généralement appréciée par les patrons.
Au quotidien, j'ai un côté "Monk" sur lequel on me taquine. Je ne supporte pas que certaines choses ne soient pas correctement alignées, classées. J'ai un sens aigu de l'observation, du détail. Dotée d'une extraordinaire mémoire visuelle, je remarque aussitôt un objet qui a été déplacé, ôté. J'ai parfois des phases où des T.O.C se réveillent. Souvent dans une période de stress intense où de vieux traumatismes ressurgissent. Cependant, je ne les laisse pas devenir invalidants. J'arrive à les gérer sans les faire remarquer, sans avoir recours à la cuite chimique par anxiolytiques. Seuls quelques proches reconnaissent certains signes et rituels qui s'accentuent soudainement. En général, on ne distingue rien.
Et puis, il y a "l'autre", le côté rebelle à toute cette organisation "au cordeau". La bordélique qui, néanmoins, retrouve toujours l'aiguille dans la meule de foin. Personne ne se risquerait à fouiller dans mon bazar, tellement il peut être déroutant. Ca a le mérite de le protéger de toute curiosité et intrusion. On ne sait pas par quel bout l'attaquer. Moi si et c'est là tout l'intérêt.
Il ne m'a pas fallu m'allonger longuement sur un divan de psy pour comprendre le pourquoi et le comment de cette dualité. Il m'a suffi de me souvenir du comportement de chaque femme qui m'ont élevée.
Ma mère était maniaque du ménage. A tel point que, enceinte de huit mois et demi, elle cirait son parquet à quatre pattes. C'est comme ça que je suis née avant terme. Chez elle, ça sentait l'encaustique, l'eau de Javel, la lessive, le savon de Marseille et la naphtaline. Elle repassait même les chaussettes, elle amidonnait les draps. Elle faisait presque tout bouillir. Jusqu'aux brosses à dents et éponges. Ce qui m'a le plus marqué, ce sont les patins avec lesquels il fallait marcher dans la maison.... même si nous étions déchaussés. Au camping, en vacances, en week end, elle ne pouvait s'empêcher de briquer. Et bien
sûr, elle m'enrôlait pour la seconder alors que j'avais d'autres projets moins....domestiques. Et, le comble, c'est qu'elle a embauché une femme de ménage durant de longues années. Des fois que....! Heureusement que les murs et le mobilier n'étaient pas blancs, sinon on se serait cru dans un décor stérile d'hôpital.
Ma marraine a toujours eu une femme de ménage. Parce que c'était comme ça dans les familles bourgeoises. C'était un signe de réussite. Chez elle, on nettoyait la lunette des toilettes avec de l'eau Roger Gallet avant et après chaque utilisation. On buvait le thé en levant le petit doigt et on mangeait avec des couverts en argent qu'il fallait astiquer. Chaque chose avait sa place. Il y a des intérieurs qui finissent par ressembler à un magazine de décoration. On ose rien bouger de peur de déranger.
Ma grand-mère paternelle avait la manie de trop meubler. Les pièces comme les murs. Avec du mobilier lourd, en merisier, style Louis XV. Et puis, beaucoup de dorures, de tentures, de tapis. Un décor à la "Versailles", étouffant. Une sorte de musée dans lequel on voit son chemin balisé, où il ne faut pas venir perturber la disposition des objets. Ne rien toucher. Comme sur une scène de crime, tiens, aussi !
Et puis, à l'opposé de toutes ces "bonnes ménagères", il y avait ma grand-mère maternelle qui se moquait du balai et du chiffon comme des convenances. Chez elle, avant de manger, on passait discrètement un coup de serviette sur l'assiette, le verre, les couverts. C'est arrivé, qu'au moment de prendre le café, on retrouve du sucre resté collé au fond d'une tasse. Avec la salade, on croquait du caillou, voire du lombric. On a souvent rigolé de son capharnaüm. Dans lequel il a fallu se plonger à plusieurs quand elle est décédée pour retrouver les papiers nécessaires à la succession. Elle avait connu la guerre, l'occupation. Elle accumulait, entassait, cachait. Un cambrioleur aurait eu fort à faire pour dénicher les valeurs dans le fatras. Cela lui a néanmoins joué un sale tour. Un jour, elle a mis le feu à ses économies qu'elle avait cachées dans le bac à braises d'un poêle à bois. Elle ne s'en est jamais remise, elle est même devenue extrêmement radine depuis cet incident qui la fâcha durablement avec mon grand-père.
A présent, quand je vois de la vaisselle mal lavée, je demande qui a fait ça "comme les genoux de ma grand-mère". Je ne supporte pas de la vaisselle entassée dans un évier. Après une soirée, lorsque mes invités partent, je ne vais jamais me coucher sans avoir fait la vaisselle. Impossible de remettre cette tâche à plus tard ! J'ai longtemps repassé les chaussettes, comme le faisait ma mère. J'ai developpé de l'eczéma à trop me décaper la peau. J'ai des accés de grand nettoyage où je ne tolère pas qu'on vienne salir juste après. C'est pourquoi il y a des périodes où je ne veux recevoir personne. Tout comme il y a d'autres moments où je ne peux pas recevoir parce que j'ai trop honte du bordel ambiant.
Ce qui me trouble, c'est que depuis que j'ai emmenagé dans la maison, je ressemble de plus en plus à la ménagère de cinquante ans. J'ai tout un attirail pour traquer la poussière et la toile d'araignée, un placard rempli de produits ménagers. Pendant les soldes, j'ai été sur le point de m'acheter.... un tablier !