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La vie, des objectifs
17 décembre 2012

Le pied d'Audrey

Ma toute nouvelle petite belle-soeur susnommée a un joli minois, des yeux bleus en amande (en raison d'un épicanthus), un sourire enjoleur. Seulement voila, vous ne verrez pas les portraits que j'ai réalisés d'elle. Non pas que mon frère soit d'un naturel jaloux, bien que très méditerranéen de tempérament, mais la belle ne m'a pas autorisée à publier les photos. Je respecte donc sa volonté. Pas uniquement parce qu'elle manie le fusil avec dextérité. Car, seul point de mésentente entre nous et que nous évitons soigneusement d'aborder quand nous nous rencontrons, Audrey est chasseuse. Devrais-je lui faire la gueule parce qu'elle prend son pied dans la pratique de la chasse ? Euh... oui si je suis fidèle à mes convictions, mais c'est la nana de mon unique frangin avec lequel je n'ai pas envie de me brouiller. Nous avons été suffisamment et longuement séparés par les aléas d'une chienne de vie, nous évitons l'un comme l'autre aujourd'hui les fâcheries inutiles. On en a assez bavé et souffert de ne pas avoir une vie de famille "normale".

Je fais donc bon gré mal gré avec...le pied d'Audrey*.

IMG4184b

Feu mon père était également chasseur. J'ai quelques souvenirs de ses retours de chasse où il arborait fièrement à bout de bras ses victimes truffées de plombs. Perles de métal gris que l'on retrouvait ensuite sous la dent en mangeant le gibier. Je me rappelle la vision du faisan suspendu tête en bas au plafond de la cave. Le temps qu'il... faisande. Avant d'être plumé, vidé et bouffé.

Je me souviens aussi de la colère de mon père quand on lui avait volé sa chienne Porcelaine-Saint-Hubert, superbe et douée pour les battues au sanglier. Donc convoitée. Zazie s'enfuit de ses géôliers, parcourut des kilomètres pour revenir au bercail. Les coussinets des pattes en sang, assoiffée, le museau profondément entaillé par un lacet qui l'empêchait d'aboyer et de se défendre. Mon père ne l'emmena plus jamais à la chasse. Elle vécut jusqu'à ses 15 ans, à la campagne chez mes grands-parents maternels. Et comme c'est également là que j'ai passé une grande partie de mon enfance, j'y ai grandi en même temps qu'elle vieillissait.  

Je me souviens de la profonde tristesse de mon père quand son teckel est mort écrasé sous les roues de la voiture d'une amie qui prit la fuite et... cessa d'être l'amie. Je n'ai jamais vu mon père autant pleurer que ce jour-là. Son visage était ravagé par les larmes, mangé par des plaques rouges d'eczéma soudainement apparu. Mon père disparut toute la journée, revint tard dans la nuit. Peut être ivre encore une fois, et pas que de douleur. Tout ce que je sais c'est ce qu'on me dit le lendemain. Qu'il était allé enterrer son chien dans la forêt, réserve de chasse. 

La seule chose qui me plaisait, c'est quand mon père m'emmenait (rarement) avec lui. Le fusil restait le plus souvent sur son épaule ou "cassé" sur son bras, culasse ouverte. Il m'apprenait à identifier les oiseaux par leur chant et leur plumage. J'aimais bien quand il les imitait en sifflant dans ses mains jointes, avec ou sans appeau. Constatant mon enthousiasme, il m'avait même offert par la suite un disque du Reader's Digest "le chant des bois".

Par contre, je n'ai jamais aimé l'étalage de cadavres, photographiés comme des trophées, juste avant le partage entre tous les chasseurs. Quand je descendais à la cave parce qu'on m'y avait envoyée chercher des patates, du lait, du vin, je regardais de travers le congélo où s'entassaient les cuissots de chevreuils ou de sangliers.  

Au décès de ma mère, j'ai retrouvé les étuis et les fusils sur le dessus d'une armoire. Il y avait encore les cartouches et les balles. Des dizaines d'années plus tard. Le tout, intact. Je ne sais pas ce qu'il en est advenu par la suite. Je ne voulais surtout pas toucher à ces instruments de mort.

* Cristophe n'est pas mon frère :-D

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Commentaires
L
Bonjour Ksé, je suis contre toutes formes de tortures et de tueries, seulement voilà, l'homme est un prédateur...beaucoup à dire, mais je souhaite éviter toutes polémiques, alors des bisous à toi, tout plein et bonne journée...
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D
Je suis tout fier, je viens d'apprendre le mot épicanthus ! Je n'ai plus qu'à essayer de le caser dans une conversation...<br /> <br /> <br /> <br /> Aujourd'hui, un collègue (directeur) de ma boîte a sorti du frigo un sac et, pris d'une envie soudaine, me l'a ouvert : c'était une bécasse qu'il avait tuée à la chasse. Avec son joli long bec...<br /> <br /> <br /> <br /> Qu'est-ce que faisait cet oiseau dans le frigo de l'entreprise (je rappelle que je travaille pas loin de La Défense à Paris, donc pas vraiment à côté des bois), je ne le saurai jamais !<br /> <br /> <br /> <br /> Amusant que tu parles de chasse spécialement aujourd'hui !<br /> <br /> <br /> <br /> Sinon, je ne suis pas vraiment enclin à aimer les chasseurs... surtout depuis que l'un d'entre eux m'a tiré dessus !
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M
Bah il y a des moments où il faut savoir mettre de l'eau dans son vin, tu as raison...<br /> <br /> Toutes les belles sœurs ne sont pas idéales malheureusement ;-)<br /> <br /> En tous cas c'est un beau texte que tu nous offre ici.
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P
Moi c'est la mère de mon meilleur ami qui adore la corrida. Il y a parfois des moments difficiles dans la conversation.
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N
J'ai pensé qu'il allait s'agir d'un billet sur la vie sexuelle de Cristophe mais non...<br /> <br /> "Ton" Audrey fait joliment la pointe ! <br /> <br /> J'ai eu affaire pendant cinq ans à une "belle" soeur poison qui a attrapé mon frère dans ses filets. Je me souviens qu'à ce moment là je me forçais à les voir pour ne pas gâcher l'amour que nous partageons mon frère et moi et aussi pour voir ma filleule... Elle est heureusement sortie de ma vie. Mais ça n'aurai jamais pu durer.
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