Le bidon de lait
Quand j'ai pris cette photo dans la cour de la hacienda, j'ai repensé à l'époque où, gamine, je m'amusais à aller chercher le lait à l'écurie avec un bidon d'alu muni d'une poignée en bois mat. Le couvercle, retenu par une petite chaînette, pendait parfois le long du bidon. Ca faisait un bruit de gamelle, au rythme de mes pas. Quand ça cognait trop fort ou trop longtemps au même endroit, ça laissait une cabosse dans le métal léger.
Ma grand-mère plongeait une louche dans le gros bidon de lait qu'elle venait d'écrémer après la traite. Je repartais toute fière vers la cuisine avec mon bidon en faisant très attention de ne pas en renverser malencontreusement le contenu qui allait composer immédiatement le breuvage préféré de mon enfance. Mon aïeule faisait bouillir le lait avant de le servir dans un gros bol de faience blanche. Je versais en pluie une pleine cuillère de poudre chocolatée, tout en me pourléchant les babines. Quand le lait commençait à refroidir, une croûte crémeuse se formait à la surface. Je détestais ça. Tout en faisant la grimace, je disais : Mémé, y a d'la peau ! Enlève la !
Je n'ai pas gardé le bidon d'alu. Parce que l'alu, ça tache les torchons de vaisselle. Et les torchons monogrammés de "Mémé" que j'ai gardés, je ne voulais pas les abîmer.