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La vie, des objectifs
15 mai 2009

Votre "vrai salaire" est donc de ....

ale84

Début des années 80, j'étais une intermittente du .....tourisme ! Je travaillais un mois en tant qu' hôtesse (salon, congrès, aéronautique), je faisais le guide pendant une semaine, je remplaçais au pied levé un employé de casino, hôtel, etc. J'ai même atterri au guichet des bagages perdus à Orly Sud pour une compagnie aérienne. Le boulot, j'allais sans arrêt le chercher. A droite, à gauche. Dans les villes thermales, les stations balnéaires. On m'appelait au téléphone et on me demandait d'être le lendemain à l'autre bout de l'Hexagone. J'y allais. J'avais toujours une valise prête. Avec mon uniforme (rouge vermillon et noir ! couleurs imposées par mon ancienne école de BTS Tourisme ) qui sortait du pressing  dans une housse de transport, lorsqu'il fallait que je le fournisse. Sinon, on m'en prêtait un sur place, aux couleurs et logo de la compagnie/de l'hôtel/du centre de congrès. Je devais absolument garder la ligne pour pouvoir rentrer dedans. Pas trop difficile. Ce métier que j'avais choisi ne me permettait pas de remplir mon assiette de façon gastrononique. En contrepartie de l'aspect financier peu intéressant, je me nourrissais de toutes les rencontres faites, les relations nouées, les endroits fréquentés dans ma vie d'itinérante.

Seulement, il y avait les périodes creuses. Les horaires farfelus. Lorsque je ne dépassais pas un certain nombre d'heures par mois (40, je crois me souvenir), je pointais à l'Agence Locale pour l'Emploi. Ce qui me permettait d'avoir un "complément" de salaire. Et de pouvoir bénéficier de quelques aides. Comme la gratuité des transports en bus dans la ville où j'habitais.

Puis un jour, l'ALE m'a contactée pour un RDV et un contrat de travail, à temps plein. Dans mon dossier, il était indiqué la profession d'hôtesse du tourisme, industrie et aéronautique. Le poste qu'on me proposa et que je ne pouvais refuser sous peine de perdre les bénéfices du maigre complément d'allocations : ouvreuse de cinéma ! Rémunérée exclusivement au pourboire et avec les 10% de la vente de confiserie et glaces. Des horaires à la con. 13h-17h et 19h-1h. Jours fériés (surtout) inclus ! Frais de nettoyage de l'uniforme , lampe torche et piles électriques à ma charge. Inventaire quotidien des congélateurs et de la confiserie. Et...interdiction de regarder les films projetés en salle.

Pas le meilleur job du monde ! Mais je l'ai pris sans rechigner. Je n'avais pas vraiment le choix.

J'ai découvert la gêne et la honte de tendre la main pour obtenir une malheureuse petite pièce. La nuit, quand je rentrais chez moi, je faisais le compte de ma mendicité. Je faisais des rouleaux de pièces jaunes pour les échanger chez ma boulangère contre une plus grosse pièce....ou une demi-baguette. Jamais un billet.

Un soir, un de mes anciens patrons venu se divertir au cinéma a été choqué de me trouver là. Dans un uniforme miteux, une lampe torche à la main, un grand panier de confiserie porté en bandoulière devant moi. L'autre main tendue avec le sourire, toujours, et un merci implorant. Il m'a glissé à l'oreille quelques paroles réconfortantes qui resteront à jamais gravées dans ma mémoire puis il m'a donné un billet de 50 francs dans la main. Quand je suis rentrée chez moi cette nuit-là, j'ai pleuré à chaudes larmes, le billet chiffonné et serré dans mon poing. Ca me faisait l'effet de m'être prostituée. Je me sentais mal, sale, nulle.

Le lendemain matin, après une terrible nuit blanche à me torturer les méninges, je suis allée à l'inspection du travail. J'ai dénoncé les conditions de travail. On m'a écoutée. Cela m'a fait énormément de bien.

Des actions notables en faveur des employés du cinéma ont été menées aussi les jours suivants. Cela m'a causé plein d'ennuis. J'ai été convoquée immédiatement chez le jeune directeur qui n'avait pas apprécié ma démarche. Convocation pour la remise de mon solde de tout compte.

Ce jour là, je n'ai rien perçu. C'est moi qui ai signé un chèque de 79,63 Frs à l'ordre du cinéma pour le paiement de mes cotisations salariales.

Sur le bulletin de salaire qui m'a été remis, figure le montant estimatif de ce que je pouvais percevoir en pourboire  et que l'on me déduit ( "reprise salaire évalué" ) car c'est le public, et lui seul, qui était censé me rémunérer. Les 10% de confiserie représentant des clopinettes. La mention "votre vrai salaire est donc de :" que l'on peut lire en bas du bulletin de paie, me fait aujourd'hui sourire.

Incroyable, hein ?! Et pourtant bel et bien vrai :

paye84

Je ne regrette absolument rien. Cette expérience m'a été bénéfique. Elle m'a endurcie. J'ai aussi appris que les gens sont ingrats. La démarche que j'ai effectuée, seule, a servi également la cause de mes collègues. Qui ne se sont même pas fendus d'un simple "au revoir" quand j'ai quitté le cinéma.

L'ALE a accepté ma réinscription comme demandeur d'emploi. J'ai pointé encore quelques temps, entre deux missions. Puis, de peur d'avoir un jour à refaire la manche....j'ai passé le premier concours administratif qui s'est présenté.

Fini le pointage ! Et les propositions de boulot bidons, les abus !

pointage84

Je ne souhaite vraiment à personne de devoir un jour quémander de cette façon. Puissiez-vous, en ces temps de crise, en être préservés !   

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Commentaires
K
"C'est ça ou rien" J'espère que personne n'y sera confronté avec la nouvelle réforme applicable au Pôle Emploi qui consiste à radier des listes de chômeurs toute personne qui refuse deux offres "raisonnables" d'emploi. La notion de "raisonnable" me parait bien subjective dans certains cas. Les postes proposés ne correspondant pas du tout au profil et au CV du chômeur ne sont qu'un exemple d'aberration. <br /> <br /> Bien souvent, on a tendance à dire "oh, ce n'est qu'un petit boulot d'étudiant". Petit boulot d'étudiant ou pas, cela reste un emploi qui doit être correctement rémunéré en fonction du travail fourni. Le respect des règles en matière de travail de nuit ou pendant les jours fériés n'est pas toujours de mise. Les employeurs savent pertinemment que ce type de travail précaire est néanmoins nécessaire aux personnes pour subsister et que de ce fait, ces dernières ne se rebifferont pas. D'où les abus. Aussi bien à l'encontre des étudiants que des salariés n'ayant pas d'autre alternative que d'accepter de tels emplois. Il m'est totalement intolérable de voir des postes pourvus par des stagiaires qui ne sont pas payés ou si peu et qui remplissent pourtant les fonctions comme le ferait un employé salarié ou un intérimaire.<br /> <br /> Ceci dit, je suis tout de même révoltée de l'attitude de quelques personnes qui ne font pas d'autre effort que celui de pleurnicher et de profiter du système pour percevoir des allocations. J'en ai plus que ras le bol de voir chaque jour, dans le cadre de mon travail et dans mon entourage, des individus qui se complaisent dans l'assistanat. Je constate que ces mêmes personnes échappent trop souvent aux contrôles ou s'arrangent pour être insolvables quand elles se font choper et qu'on leur demande de reverser les allocations indues. Le cumul allocations et travail non déclaré devrait être plus sévèrement puni, à mon avis. Ce sont de véritables parasites qui discréditent les démarches des autres personnes qui sont, elles, dans une situation catastrophique. <br /> <br /> C'est vraisemblablement à cause de ce genre de personnes peu scrupuleuses que j'ai durci mon comportement quand j'étudie à présent un dossier. Je suis beaucoup moins cool et en l'absence de preuves tangibles d'une situation qu'on m'expose comme difficile, je suis plus tatillonne et sévère. Et ....ça clashe !
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D
C'est complètement honteux...<br /> <br /> Je n'imaginais pas que de telles conditions de travail puissent avoir existé récemment. Comment est-ce que ça peut même être légal ?<br /> <br /> Je dis tout mon respect pour toi et celles qui ont connu le même genre de conditions de travail. A la rigueur, en petit boulot d'étudiant ou en stage, ça serait déjà scandaleux, mais en "métier", je n'en reviens pas.<br /> <br /> Je me refuse à croire que certaines conditions de travail dans certains métiers sont comparable à ça encore aujourd'hui.
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D
Au risque de répété comme Fay! Tu écris extraordinairement bien!<br /> <br /> C'est con, parce que dernièrement alors que nous arrivions au ciné limite avant la projection, je disais à mes amis combien je regrettais l'époque de l'ouvreuse qui nous apportais les confiseries directement dans la salle... Je ne savais en rien les conditions de travail! Waouh... C'est délicat.<br /> <br /> Et comme tu dis, les gens sont totalement ingrats et ce dans tous les milieux professionnels, ils peuvent être d'accord avec une cause, mais difficile de les rassembler pour la défendre... Par crainte des remontrances, or plus en est nombreux, plus on fait bloc. <br /> <br /> T'inquiète, on a tous eu nos lots de petits boulots honteux!! Si si (Chuttt...!)... Dans le fond ce sont ces expériences là qui nous aide à grandir, à pouvoir faire face à d'autres difficultés, elles nous confère la capacité à refuser l'assistanat à nous battre!<br /> <br /> ;)
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F
Tu racontes trop bien ! <br /> Moi qui suis fonctionnaire depuis toujours, je ne connais les petits boulots que lorsque j'étais étudiante. J'ai fait des ménages et des repassages, la plonge dans un resto...<br /> J'en garde un grand respect pour les agents d'entretien <br /> Par contre je n'ai jamais donné une pièce à l'ouvreuse, je trouve le ciné déjà très cher, c'est scandaleux ce que tu décris !
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R
C'est drôle, je n'ai pas connu cette époque ALE, mais je connais l'époque des jobs de merde ou on t'explique que c'est ça ou rien... :-) !
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