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La vie, des objectifs
21 mars 2009

Billet chiffonné

Je ne sais par où et comment commencer ce billet. Dans ma tête tout est confus. Je crois que ce billet sera à l'image de mon état d'esprit du jour. Un véritable embrouillamini. Un mélange de nostalgie, d'images heureuses, de rires et de câlins partagés, de chagrin, d'incompréhension, de colère aussi. Je voudrais écrire quelque chose de beau mais j'ai peur de foirer mon hommage. Ne me viennent que des mots que j'aligne, j'efface, je réécris. Des phrases décousues. Le tout ponctué de souvenirs qui se bousculent et auxquels je me raccroche aujourd'hui. Je pourrais choisir de ne rien écrire et garder tout ça pour moi. Mais voila, je ne peux m'y résoudre.

Il faut que j'extériorise la peine qui m'étreint. Les larmes que j'ai versées n'y ont pas remédié. Il faut que je vous parle d'elle. Je voulais d'ailleurs le faire suite à ce billet . Enfin, plus exactement au dernier commentaire que j'y avais laissé. Je faisais allusion aux enfants que j'ai gardés en tant que fille au pair.

J'ai fait sa connaissance un soir de janvier au sortir de l'école. Elle était alors âgée de sept ans. J'étais arrivée en début d'après-midi à l'aéroport d'Heathrow. Sa mère m'avait accueillie dans la maison de Chelsea. J'y avais installé mes affaires dans la chambre qui m'était réservée, au troisème étage. Juste à côté de la chambre spacieuse de la petite princesse des lieux, fille unique, dont j'allais devenir la nounou pendant sept mois. Bien plus qu'une nounou en fait. Une grande soeur, une confidente. Presque une seconde maman. 

Elle avait de longs cheveux blonds, épais et bouclés que je coiffais tous les matins en tresse .... à la française (of course). Une tâche que j'avais en horreur. Elle grimaçait, piaillait quand le peigne ou mes doigts malmenaient sa chevelure rebelle. Cette coiffure était une exigence de sa mère, à laquelle nous nous pliions toutes les deux.  De bien mauvaise grâce. Mais le résultat en valait la peine. Je la revois partant le matin à l'école dans son uniforme gris ou bleu, coiffé d'un chapeau à rebord ou d'un canotier selon la saison. Elle ne manquait jamais de m'appliquer une grosse bise sonore et mouillée sur la joue avant de s'engouffrer dans la voiture qui l'emmenait. 

Elle avait les yeux en amande d'un bleu limpide qui semblaient rire constamment. Dès qu'elle souriait, deux fossettes apparaissaient au bas de ses joues.

J'allais la chercher à la sortie de l'école à seize heures. Les autres petites filles, ce sont leurs mamans qui venaient le plus souvent les chercher avec chauffeur. Sauf sa meilleure copine, Justine. C'est mon amie Fabienne, fille au pair franco-suisse, qui s'en chargeait.

Elle accourait vers moi, me sautait au cou, me plaquait un bisou sur la joue. Main dans la main, nous prenions ensuite le bus sur High Street Kensington et nous rentrions vers Fulham Road. Elle me racontait sa journée, me faisait part de ses devoirs à faire. Avec une moue explicite quand ça ne lui plaisait pas.

Je l'aidais à faire ses devoirs. Il fallait la rouspéter quelquefois quand elle rechignait à la tâche. Je lui avais passé une fois un savon quand j'avais découvert au fond de sa trousse....une antisèche de table de calcul. Elle m'avait fait promettre de ne rien dire à sa mère. En échange, je lui avais fait promettre de ne jamais recommencer.

Après le dîner, venait l'heure du bain. Pour me faire râler, elle s'amusait à éclabousser la salle de bains dont les murs étaient entièrement recouverts de miroirs. A l'heure du coucher, je m'installais sur son lit et je lui lisais une histoire. D'autres fois, elle profitait de ce moment de calme et d'intimité pour me faire quelques confidences. Sur sa copine Justine. Sur sa famille célèbre et riche qui fréquentait la famille royale. Elle prenait alors les allures d'une petite peste. C'était le côté que je détestais chez elle. Un jour, à la question "Que veux-tu faire plus tard ?" elle m'avait répondu de façon hautaine "Je serai billionaire !"

Je préfère garder d'elle tous les moments de tendresse que nous avons échangés. Me remémorer tous les "I love You Nanny" qu'elle me disait pour se faire pardonner d'une bêtise.

J'ai gardé une photo d'elle prise quand elle avait trois ou quatre ans. Elle l'avait décollée d'un des albums photos et me l'avait donnée en cachette de sa mère pour que...là-bas, en France, chez moi, je puisse encore penser à elle.

Je voulais vous raconter encore des tas de choses dans ce billet que je programmais....en d'autres circonstances.

Je vous ai dit avoir gardé des contacts avec les nombreux enfants que j'ai gardés plus jeune. Elle, je l'avais perdue de vue. Je la croyais ..."billionaire".

Aussi, pour préparer ce billet, j'avais entrepris quelques recherches pour savoir éventuellement ce qu'elle était devenue. C'est moche d'apprendre de tristes nouvelles via un moteur de recherche sur le site de The Independent :

Girl fell to death after drinking 17 tequilas

Friday, 4 September 1992 

THE father of a teenage student who fell to her death after drinking 17 tequilas has called for a tightening of licensing laws.

Georgina Meinertzhagen, 16, fell from a second-floor bedroom window of lodgings in Oxford, where she was attending a tutorial college. Georgina, a great-niece of the industrialist Lord Hanson, had spent an evening with friends at an Oxford bar where tequila was served at 50p a measure.

Nicholas Gardiner, the Oxford coroner, said he accepted the police theory that she sat on the window ledge to get fresh air, but lost her hand-hold. He recorded a verdict of accidental death.

After the hearing her father, Daniel Meinertzhagen, a Lloyd's name, of Chelsea, south-west London, said he would not be taking civil action against the bar, Pier 19. 'Nothing can bring my daughter back.'

But Mr Meinertzhagen added that pubs and bars should lose their licences if they served under-age customers. 'If you make it law that they will lose their licence for this sort of thing I am sure they will make time to check the age of the people they are serving drinks to,' he said.

'I find it extraordinary that alcohol in such quantities should be served to young people.'

He said he would be writing to the Clerk of the Licensing Justices drawing their attention to the case, although he had no control over any decision they might make.

Je ne pouvais déjà pas supporter l'alcoolisation et ses conséquences. Là, j'ai une boule de rage qui bloque les cris de révolte dans ma gorge.

Elle n'avait que 16 ans ....

Rest In Peace, Darling !

P1030454

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Commentaires
K
Reading this makes me very sad! I was her nanny when she was only 4 yrs old.
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R
le gros problème là bas, c'est que c'est culturel, tout age, tout milieu social, toute culture, de 12 à 99 ans... <br /> ici ça ne touche que la jeunesse de 16 à 23 ans...<br /> Bien sur ça n'enlève pas le gros du problème, mais ça n'est pas comparable...
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K
C'est effectivement un problème que cette alcoolisation dès le plus jeune âge. Mais il ne touche pas que la Grande Bretagne. L'alcoolismne atteint depuis quelques années les jeunes de notre pays aussi. Il prend de l'ampleur. C'est malheureusement courant et catastrophique de voir arriver aux urgences de NOS hôpitaux des mômes de 12 ans en coma éthylique.<br /> <br /> Je n'arrive toujours pas à comprendre que l'on ne puisse pas envisager de s'amuser sans se piquer le nez. A ce propos, la poudre et autres drogues sont bien souvent associées. <br /> Ca me dépasse. <br /> <br /> Je développerai dans un prochain billet cette aversion que j'ai pour ....la viande saoûle.
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R
Tu vois, j'en ai beaucoup parlé, mais c'est vraiment pour cette raison que je voulais fuir l'angleterre... Ils sont malades d'alcool... MALADES c'est le mot ! la population entière est alcoolique, c'est dans leurs us et coutumes... On ne parle que de ça !<br /> Je ne voulais pas que mes enfants se tronchent la gueule dès 12 ans...<br /> Je ne peux pas parler de l'angleterre sans évoquer cette face de mon expatriation, oui, ce qui me reste de l'UK c'est cette adiction maladive à l'alcool... Tous les matins la presse relate des cas comme ceux dont tu parles, et c'est helas normal...<br /> C'est marrant parce que je suis en train de préparer un billet sur l'autre problème des anglais... J'en dis pas plus...<br /> Je suis désolée pour ta petite baby sittée...<br /> T'as raison, c'est de la colère, de la rage de l'incompréhension ! Pendant 3 années c'est ce que j'ai ressentie en voyant des gamins de 12 ans complètement bourrès...<br /> je ne m'en remets toujours pas !!!
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F
avec les dates c'est magique ou terrifiant en tout cas ça ne laisse jamais indifférent...
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