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La vie, des objectifs
1 janvier 2009

Le trouve-bonheur

Pour ceux qui ont su conserver un rayon de soleil dans leur quotidien, je leur souhaite que cette douce chaleur perdure. Pour les autres, les meurtris de l’amour, de la vie, je leur dédie ce texte que j’ai écrit dans un « délire »… philanthropique. Pour qu’ils aient le courage d’aller vers un ailleurs, un meilleur.

 

Il est de coutume de s’adresser nos bons vœux à l’aube d’une année nouvelle. C’est tellement habituel que l’on échange bien souvent que des banalités du style « Bonne année, bonne santé » C’est ce qu’était venu me dire de vive voix cet ami qui sonna à ma porte un matin de janvier. Il avait le visage fatigué mais quelque chose me disait que ce n’était pas les effets des abus festifs du réveillon qui étaient la cause de cette lassitude. Je devinais derrière le sourire maladroitement dessiné sur ses lèvres la moue des mauvais jours vainement dissimulée sous un masque de fanfaron. Après notre embrassade amicale, nous nous sommes présenté platement nos vœux sans que l’un et l’autre, nous n’en paraissions pleinement satisfaits et convaincus. Je le fus d’autant moins quand l’ami murmura dans un soupir « Quelle connerie de se dire immuablement ça tous les ans ! »

 

Pensive, je l’invitai à s’asseoir confortablement dans une bergère près de l’âtre crépitante et rougeoyante de la cheminée. Après lui avoir servi une tasse de café noir et offert quelques biscuits en accompagnement, je m’installai sur le sofa en face de lui. Puis, avant même qu’il n’entame la conversation sur ses ennuis maintes fois évoqués, ressassés et que je connaissais par cœur, il me vint une idée.

 

« Tu sais que j’ai pour habitude d’écrire des nouvelles ? Eh bien, j’ai une historiette en tête là. Mais avant de la mettre en forme et de la taper sur mon ordinateur, j’aimerais bien te la raconter. Comme ça tu en aurais la primeur. Tu vas même m’aider à la rédiger car tu vas participer à cette histoire. Tu as le temps ? "

L’ami me regarda surpris, mais sans doute séduit à l’idée de se sentir utile, chose en laquelle il était convaincu du contraire depuis quelques temps, accepta et se redressa dans le fauteuil où il s’était avachi. On eût dit un élève endormi, interpellé et interrogé subitement par un professeur. Cette image me fit sourire intérieurement.

 « Elle parle de quoi ton histoire ? » demanda-t-il un peu inquiet.

 - D’une petite échoppe où l’on va chiner une denrée rare et convoitée.

- Hein ????!!!

- Tu as bien entendu ! Je t’emmène faire du shopping dans cette boutique.

- Euh…

- D’abord, tu vas te mettre en condition. Il le faut toujours pour trouver l’inspiration. Alors détends-toi, ferme les yeux. Au fur et à mesure de mon récit, tu verras un film se dérouler et tu seras acteur. Muet ! Ne me dis rien de ce que tu vois dans le décor que je vais planter. Le rêve te guidera. Laisse tes sens s’éveiller !

- Je te l’ai jamais dit mais…t’es dingue par moment ! » lâcha-t-il en ricanant, avant de fermer les yeux comme demandé.

Après une dernière recommandation, celle de ne surtout pas divulguer par la parole ce qu’il verrait , j’entamai mon histoire.

 

« Les ruelles pavées se suivent et se ressemblent. Les badauds que l’on y rencontre sont emmitouflés dans des manteaux dont ils ont  relevé le col. Ils portent de grosses écharpes autour de leur cou et ont enfoncé leurs mains dans les poches pour se protéger du frimas des soirs d’hiver. La lumière est très faible et dans le brouillard on devine à peine les devantures racoleuses et illuminées des boutiques. Un vent glacial cingle le visage par rafales et fait rentrer la tête dans les épaules. »

Je marquai une courte pause en observant la silhouette de mon ami se tasser dans le siège et en le voyant croiser les bras sur sa poitrine. Il semblait participer à l’histoire comme je le souhaitais. Ce qui m’encouragea à continuer mon récit.

« Alors que tu arpentes ces ruelles pendant de longues heures, erres en traînant tes souliers sur le pavé glissant et en maugréant contre le froid ambiant, quelque chose te fait redresser la tête, attire ton regard et éveille ta curiosité »

Le front de l’ami se plissa et les sourcils prirent la forme d’un accent circonflexe. Ses bras se décroisèrent. Ses mains se posèrent à plat sur ses genoux.

« Une échoppe d’allure insignifiante apparaît au détour d’une rue. Aucun lampion, aucune fioriture accrochés à sa vitrine. Même le visage plaqué sur le carreau, les yeux rivés et mus par la curiosité , on ne parvient incroyablement pas à distinguer l’intérieur mystérieux. Une envie irrésistible t’incite à pousser la porte et à entrer. Est-ce l’effet de ces lettres alignées et peintes sur la devanture que tu as lues,  « Le trouve-bonheur » ?

Les plis disparurent du front de mon ami. Ses yeux toujours clos semblèrent s’allonger en amande. Ses cils frémirent. Sa bouche se figea dans un sourire timide.

« Tu pousses la porte de la boutique et pénètres dans le lieu avec le secret espoir d’y trouver ce qui égayerait ton quotidien et effacerait ton humeur chagrine. Des petits riens qui auraient le don d’atténuer les immanquables peines que l’on trouve sur le chemin de la vie. »

Le front de mon ami se plissa de nouveau. Un rictus remplaça le sourire ébauché.

«  Une douce chaleur t’envahit aussitôt, contrastant avec le froid extérieur. Des senteurs agréables et variées viennent enivrer ton odorat, t’évoquant parfois des souvenirs heureux. L’odeur du chocolat dont tu es friand, le parfum d’une femme aimée, la fragrance du mimosa que tu aimais sentir lorsque tu habitais le Sud, les senteurs d’un bon repas partagé avec des amis, les effluves d’une peau caressée »

Je vis ses narines frémir et semblant humer l’air.

« Il règne dans la boutique un silence qui se fait musique. Il suffit de tendre une oreille attentive pour percevoir cette mélodie apaisante et harmonieuse. Rien ne vient perturber cette quiétude »

L’ami croisa ses jambes, ses mains calées entre elles à hauteur du genou. Il pencha la tête et la cala contre le dossier de la bergère. Les traits de son visage prirent un aspect lisse, serein. S’endormait-il ? Je prolongeai néanmoins mon monologue.

« Il n’y a pas de vendeur dans cette boutique qui vienne se jeter sur le client et prononcer d’un ton mielleux l’agaçant « je peux vous aider ? ». Les rayonnages paraissent vides de toute marchandise au premier abord. Mais, en s’approchant bien, on distingue une foule de petites choses que l’on rêve d’acquérir depuis longtemps. La boutique prend alors les allures d’une caverne d’Ali Baba, d’une oasis après une longue marche dans le désert, d’une supérette aux envies jamais rassasiées. On en a le souffle coupé, les yeux écarquillés, le cœur battant la chamade. Tout ce dont tu rêves est là, sous ton regard émerveillé. Il suffit de tendre la main. Tu touches d’abord timidement du bout des doigts chaque chose tant espérée. »

Ses mains se libérèrent d’entre les jambes, se posèrent sur ses cuisses, s’agitèrent un peu. Sa tête se redressa. Sa bouche reprit la forme d’un sourire surélevé d’un côté, ce qui provoqua le dessin d’une fossette au bas de sa joue gauche.

« Puis tes mains se posent avec insistance sur chaque objet désiré par les yeux et la pensée. Tu te dis soudain qu’il est nuisible et inutile de tant rêver à posséder tout ceci, que dans cette échoppe tout doit être hors de prix. Alors que tu te diriges d’un pas résigné et penaud vers la sortie, ton regard tombe sur l’affichette punaisée près de la porte. Il y est écrit : Aujourd’hui, vous quittez ces lieux en vous disant que le bonheur n’est pas accessible pour vous. Tout a effectivement un prix. Celui-ci vous paraît quelquefois inabordable et onéreux car vous ne percevez pas sa vraie valeur. Le véritable prix c’est vous qui vous le fixez  en fonction de l’ampleur de vos désirs et surtout de votre volonté à les assouvir. En fait rien n’est inaccessible. Charge à vous, après avoir tant rêvassé dans cette boutique, de vous donner les moyens d’obtenir tout ce qui vous apportera un rayon de bonheur. »

Il se passa un long moment avant que mon ami rouvre les yeux. Il prit congé et avant de quitter ma maison, m’adressa ces quelques paroles avec un large sourire retrouvé : « Bonne année ! Bon shopping à toi aussi ! » Je vis alors dans ses yeux pétillants qu’il s’était remis à croire au bonheur. Même si ceci ne devait être qu’éphémère, j’en étais heureuse. Il est comme ça des petits bonheurs…. 

© Ksenia Kemler – Tous droits réservés – 

 

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Commentaires
M
Je souhaiterais lire ou entendre plus de délires comme celui-ci... Merci Ksénia :)
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P
Hihihi Mathilde, t'es encore pire que moi ! :lol:
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M
J'comprends rien à cette histoire de 2009 mais peut-être que j'arrive après la bataille ??!!<br /> <br /> Il n'en demeure pas moins que c'est une bien belle histoire :-)
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N
Très joli nom ce "trouve bonheur" ! Ceux qui le trouvent l'ont cherché surement. Un conte de début d'année qui fait chaud au coeur.
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G
Bizzzz et meilleurs vœux même si le traditionnel "bonne année, bonne santé" n'a rien d'original c'est ce souhait sincère que nous t'envoyons.<br /> <br /> Bizzzz de nous deux<br /> <br /> JMB
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