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La vie, des objectifs
6 novembre 2008

Don d'organes

Lorsque ma mère a été victime d'une rupture d'anévrisme en 1992, nous (ses enfants) avons été confrontés à un sérieux dilemne.

C'était en plein été, un samedi matin. Je devais partir en vacances lorsqu'on m'avait avertie par téléphone de l'hospitalisation et de l'état alarmant de ma mère. Mon frère se trouvait en Irak depuis de longs mois en raison de la guerre du Golfe. Il fallait le rapatrier au plus vite. Ce fut chose faite dans la soirée. De mon côté, j'avais parcouru des centaines de kilomètres, coincée dans les embouteillages du fameux chassé-croissé des juilletistes et aoûtiens. En pestant contre mon impuissance.

Tous les 200 km, je m'arrêtais pour appeler le service de réa. Les nouvelles n'étaient pas fameuses. Ma mère s'enfonçait d'heure en heure vers l'inéluctable.

Le médecin du service nous avait reçus très tard dans son bureau pour nous préparer au pire. L'hémorragie était massive. Ma mère était intransportable en hélicoptère. Pourquoi le "neurochir" ne venait pas à elle dans ce cas ?

Il n'y a que les Belmondo qui sont héliportés de Corse vers Paris, il n'y a que pour les Trintignant que les "neurochir" de renom se déplacent, y compris à l'étranger. Voila ce que l'on ressent avec amertume des années plus tard encore. Face à ce qui nous parait la plus grande injustice. 

Ma mère semblait si paisible sur son lit. Simplement endormie. Le teint rose, la peau chaude. Mais en état de mort clinique. Irrémédiablement.   

On a commencé à nous parler du don d'organes. Des vies pouvaient être sauvées. Si vous saviez à quel point on s'en fichait à ce moment là ! C'était notre mère que nous aurions voulu sauver.

Le dimanche matin, avant de nous rendre au service de réa où les visites sont toujours très réglementées, nous avions appris par téléphone que ma mère avait eu un collapsus en pleine nuit. "Elle nous a fait une belle peur, on a cru la perdre" N'y aurait-il mieux pas valu qu'on la laisse partir puisque, de toute façon, elle n'en réchapperait jamais ?

Mais ce qui semblait le plus important pour le corps médical, c'était la perspective du fameux don d'organes. Seulement voila, nous n'étions pas au courant des dispositions de notre mère à ce sujet. Nous n'avions trouvé aucune lettre faisant état de ses dernières volontés. Nous avions une terrible décision à prendre....en notre âme et conscience. Bien trop jeunes et insouciants pour penser que la mort puisse faucher des vies à tout instant, nous n'avions jamais réfléchi à l'éventualité d'un don d'organes.

La pression du corps médical s'était faite de plus en plus grande. Le temps pressait. Il ne fallait pas risquer l'arrêt cardiaque qui signifiait l'asphyxie des organes.

Nous avions donné l'autorisation en début de soirée. Encore aujourd'hui, il est cruel de penser que par cet acte, nous avions aussi décidé de l'heure de la mort de notre mère, âgée seulement de 50 ans. Les machines avaient été débranchées juste après le prélèvement des reins, du foie, des poumons. On avait cru bon de nous préciser que le coeur avait trop morflé pour être utilisable.

L'hélicoptère de France Tansplant avait pris le chemin des airs emportant le don précieux vers des vies en souffrance. Nous pensions avoir bien agi. Conformément à la personnalité généreuse de notre mère.

Ce n'est que le lendemain, quand les gens étaient venus se recueillir sur sa dépouille, que les remords m'avaient soudain assaillie. En raison de cette phrase entendue accidentellement : " Elle porte les marques de la souffrance sur son visage" Effectivement, malgré le travail remarquable du thanatopracteur, le visage n'apparaissait en rien serein. Comme j'avais pu le constater lors d'autres veillées funèbres.

Que dire du ...."charcutage" que j'avais entrevu sur le corps quand j'avais apporté les vêtements pour habiller ma mère au sortir du bloc ? Il est vrai qu'une fois mort, nous ne sommes plus qu'une enveloppe corporelle. Mais ne peut-on pas avoir quand même la délicatesse, pour le défunt et sa famille, de pratiquer des sutures esthétiques un minimum ?

Aujourd'hui, je ne sais pas si nous avons pris la bonne décision. Nous n'avons même pas la consolation de savoir si notre décision a pu permettre de sauver des vies. L'identité du donneur et des receveurs n'étant jamais divulguée. C'est frustrant. Je peux même dire que cela entrave le travail de deuil. Du moins, pour ma part, ce fut le cas.

Huit mois plus tard, je perdais mon fils à la naissance. Mon frère souffrait d'hémorragies digestives sans cause apparente. Nous avons, à mon avis, payé chèrement la décision que nous avons eu la responsabilité de prendre, dans des circonstances douloureuses. Et sans aucun soutien psychologique.

Car une fois que nous avions donné le feu vert, nous avions eu la désagréable sensation de ne plus avoir le moindre soutien et la moindre attention. Nous étions devenus transparents. Même lorsque mon frère avait eu un malaise dans le couloir de l'hôpital. Personne n'était venu s'enquérir de sa santé physique et morale.

Pour que votre entourage n'ait pas à culpabiliser , à se torturer l'esprit comme nous l'avons fait, pensez à en parler à vos proches, à vous munir d'une carte de donneur, à notifier votre refus.

Personnellement, j'ai fait connaître mon refus, en raison de cette expérience malheureuse et d'un désordre génétique.

Concernant ma mère...si c'était à refaire, il n'est pas sûr que j'agirais de la même façon. Enfin...avec des "si"...?!

Liens utiles :

http://www.france-adot.org/

http://www.dondorganes.fr/

http://www.lasante.net/dossiers/don_organes.htm

http://www.ouest-transplant.org/efg.html

http://www.agence-biomedecine.fr/fr/index.aspx

http://www.dondorganes.fr/Comment-exprimer-son-refus.html

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Commentaires
R
Bein euh, je ne veux pas être méchante mais ça ne me rassure pas du tout, t'as eu un accident de voiture ??? Tu nous raconteras dès que tu te seras remise ???<br /> <br /> Rémy Julienne en même temps t'es douée, t'as trouvé une nouvelle vocation.. Mais bon, joues à des jeux plus sérieux quand même !!
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K
Merci à vous tous et toutes pour vos commentaires. Je n'ai malheureusement pas le temps de répondre en détail à chacun. Pour rassurer Risette : tout est ok après une belle cascade à la "Rémy Julienne"....comme je sais très bien les exécuter. Je m'en sors avec de nombreux hématomes au genou et une légère commotion. Franchement, ça aurait pu être pire....vu le côté spectaculaire de la chute, parait-il.<br /> Comme j'ai continué mon activité professionnelle malgré tout, je consacre mon temps libre à me reposer un max. <br /> Bises à tous et...à bientôt ! <br /> <br /> KséKsé apprentie "Shaolin" :-)
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R
Y a encore quelqu'un ?????????????????
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N
ce qui me semble incroyable c'est le manque d'attention et de soutien de la part de l'équipe médicale dans ces moments là et qu'on ne vous ait pas dit si on avait pu sauver des vies grâce à elle
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R
t'Es où ??? je me fais du soucis moi !!! Dis ?!
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