L'art de râler

Une "copine"  arrive un jour en retard au déjeuner dont nous avions convenu la date des mois à l'avance. Je la vois traverser la salle du restaurant, essoufflée, la mine renfrognée et les cheveux en pétard.

A peine la paire de bisous sur les joues échangée, que j'ai droit au résumé de sa matinée....E-PUI-SAN-TE !

Entre deux gorgées de cocktail maison, elle me raconte ses déboires avec le Centre des Impôts en entamant directement par la formule chère à Jospin ...."Pays de meeeer*e !"

- Mais encore ? ( une brèche où elle va s'engouffrer, zut !)

- Ils sont vraiment bouchés ! Déjà, j'ai attendu 2 plombes. Comme si j'avais que ça à faire. En plus, pour une erreur de leur part. Et tu sais quoi ? Dès qu'ils ont vu marqué "Commandement de payer" sur le papier que j'ai reçu, z'ont même pas cherché plus loin. Me disent que c'est pas eux, faut qu'j'aille au Trésor Public ! Ca fait JE SAIS PAS COMBIEN DE FOIS que je leur dis que j'ai pas de télé, crotte !

Je profite d'une pause respiratoire pour en placer une.

- Lors de ta déclaration, tu.. (Pas le temps de finir ma phrase)

- Oui, oui, je fais tout bien comme tu me l'as déjà dit. Mais, pfff, tu parles, chaque année c'est la même chose. Et là, ils me collent des frais en plus parce que j'ai pas payé, dis donc !

- Tss tss, attends ! On est au mois de mai, d'accord ? La redevance télé, on te demande de la payer en même temps que la taxe d'habitation qui, dans la plupart des cas, est dûe au mois de novembre ou décembre. Tu l'as eue cette taxe ?

- Oui, même que je l'ai payée ! Difficilement, tu peux me croire parce que là aussi, purée, on te fait pas de cadeau ! C'est pour ça que je comprends pas pourquoi on me réclame pour la télé maintenant ! En plus, J'EN AI PO !

- Bon écoute, je ne comprends pas trop ton histoire alors. Montre-moi la lettre  que tu as reçue, plutôt !

Elle trifouille nerveusement dans son sac en bazar, sous le nez de la serveuse qui vient prendre la commande. Elle en étale au fur et à mesure le contenu sur la nappe papier.¨Puis, elle finit par brandir un papier tout chiffonné sentant le tabac froid.

Je déplie le courrier qui présente en son milieu la trace sale d'une tasse de café et là....dès les premières lignes parcourues des yeux, je ne peux réprimer un fou rire.

La copine me regarde avec des yeux de batracien.

- Tu l'as bien lu ton papier ? (J'essuie deux larmes)

- Bein oui ! Pff ! Pourquoi ? Vas-y que je me marre aussi !

- Elle roule vite ta télé ?

- T'as bu combien d'apéros en m'attendant ?

Je déteste qu'on m'accuse de boire alors que je suis farouchement contre la consommation d'alcool et ses excès. Mon fou rire est calmé. C'est d'un ton sec que je réponds : 

- C'est un contrôle radar que t'as pas payé ma grande !

La copine m'arrache le courrier des mains en grommelant, lit sans doute la lettre complétement pour la première fois, secoue la tête. J'attends la deuxième salve de "râlage". Qui ne tarde pas.

-Font chi** avec leurs radars ! Attends, faut pas exagérer quand même ! On a tout le temps la main au portefeuille, ras-le-bol ! Rhalala, j'vais bientôt plus avoir de points à ce rythme là ! Franchement, c'est vraiment un pays de me*de ! Tiens, c'est comme l'autre jour, je suis allée aux Assedic pour voir si je pouvais pas avoir droit à que'que chose quand même.

- Euh....mais c'est bien toi qui as démissionné, non ?

- C'était un cas particulier. Si je voulais quitter la région parisienne, je pouvais pas faire autrement que de me lancer. Seulement, je pouvais pas savoir que les parisiens, en province, on les aime pas ! Donc on les embauche pas !

- Aaaaah ben oui ! Vu comme ça.

- Ah t'es d'accord avec moi ! Eh ben aux Assedic, ils veulent rien savoir. J'ai droit à que dalle ! Je redemanderai après ma mission intérim de 15 jours. 

- C'était iro...

- Bon ! Tu prends quoi ? Moi, je vais me brouter une salade. Je suis montée sur la balance, ouille ouille ! C'est la cantine. Trop riche ! Pas assez équilibrée. Ils nous font manger n'importe quoi. Y a des fils dans les haricots comme quand j'étais môme en colo, la viande est dure. Beurk ! Heureusement que ça nous coûte quasi rien.  Tiens, je vais regarder les desserts de suite. Oooooh, chouette ! Alors là ! Je me réserve de suite une dame blanche !

- C'est une façon de faire régime, effectivement. Oups ! Tu as vu l'heure ? Je reprends mon service dans 20 minutes !

- T'auras pas le temps de prendre un dessert, toi.

- Non, ni même de passer saluer Pierre à son magasin. (Allusion perfide de ma part. Je sais qu'elle lui doit 20 euros depuis 3 mois)

Elle est piquée au vif, comme à chaque fois qu'on vise son porte-monnaie.

- Hoooo ! Il est pas à 20 euros près ! C'est quoi 20 euros pour lui ?! Eh bé, s'il en est arrivé à attendre 20 euros, il est pire que ce que je croyais ! Faut être vraiment près de ses sous.

Je n'y tiens plus. Je prends dans mon sac deux tickets restau que je laisse sur la table pour payer le repas commandé....que je ne mangerai pas. Pour tout au revoir, je me penche vers la copine et lui déclare abruptement :

- Je n'ai plus faim. Merci, ça va très bien chez moi.

C'est fou comme les gens peuvent changer parfois au fil du temps. Ce qui amène les chemins et les personnes à se séparer.

Comments

[risette]

Oui peut-être exigente, mais uen copine comme celle que tu as décris, n'est pas une copine, c'est une chieuse !!!

[ksenia k]

@ Didou : on a tous des copines de ce type parmi les collègues de travail, les copines de nos copines, le voisinage, les rencontres de vacances/club de sport, les mères des copains de nos bambins. Au début, on fait doucement connaissance en appréciant l'occasion de cotoyer une "nouvelle tete". Puis, c'est un peu similaire aux relations amoureuses. Un jour, on ne supporte plus les travers de l'autre que l'on occultait. Ca nous gave.
Entre copains, on est bien souvent aveugle...avant le clash.

@ Risette : Je pars du principe que chaque personne recèle en elle des trésors. Ce qui me fait aimer tout le monde...de prime abord. Quand les défauts deviennent insupportables et que les qualités ne parviennent plus à équilibrer, je coupe les ponts maintenant. Chose que je ne pouvais pas faire avant, de peur d'etre rejetée aussi. A présent, je m'en fiche. Je me préserve avant tout de toute source de stress.

Mon Homme dit que je suis très exigeante dans mes relations. Il a raison.

[risette]

Charmante, t'es sure que c'est une copine, parce que moi j'appelle ce genre de fille : des boulets... On en traine toujours une ou deux au pied et on ne sait jamais comment couper le chaine, UN CALVAIRE !

[Didou]

Ben dis donc, des "copines" comme ça, je te les laisse !

Je déteste ce genre débordée qui court tout le temps et qui n'arrive qu'à tout faire de travers. Je ne sais pas si elle est vraiment comme ça, mais l'image que tu en as donné, c'est ça !
Et des gens comme ça j'en connais aussi, malheureusement !